Ode à l'Épouse et Déesse


Ô brune plus agréable que Grenade,
je voudrais m'étendre à ton côté,
sur un lit de duvet de plume,
où je mettrai ma main gauche
sous ta tête,
cependant que, de ma droite,
je te tiendrai enlacée!


Ô mon épouse et déesse,
tu es un jet d'eau
au centre d'un patio de princesse
ou un ruisseau qui descend tout droit
de la Sierra Nevada!


Tu es le puits arabe de l'Alhambra
qui donne en été une eau glacée
et le canal même d'eau fraîche
qui traverse le jardin du Generalife,
au milieu des myrtes!


Oui, ô ma vigne en fleur,
tu es le jardin où je cueille ma myrrhe
et mon baume et mon aloès
et mon encens!


Quand je t'écoute parler,
je crois boire un lait chaud,
mêlé à du miel d'oranger mexicain!
Oui, converser avec toi,
c'est voir couler le miel et le lait,
et tes lèvres même distillent le miel!


Comme il est dit
dans le Cantique des cantiques,
ton amour vaut mieux que le vin:
plutôt renoncer au vin doux,
si délicieux,
que cesser de m'abreuver de ton amour,
plus suave que le vin doux lui-même!


Or, il m'est impossible de renoncer à toi,
dont la croupe est en or de vingt-quatre carats,
oeuvre de la main d'un artiste de génie,
et les seins deux blanches colombes
perchées sur la tête d'une statue de conquérant
ou deux galets ronds et blancs
qui brillent au fond du lit d'une rivière
ou enfin deux agneaux
qui boivent paisiblement à une source d'eau vive!


Ô toi dont l'âme est à l'image
de la ville d'Almeria,
dont le nom signifie "le miroir de la mer",
tu caches en toi quatre impératrices,
quarante reines,
quatre cents concubines royales
et quatre millions de jeunes filles nubiles!


Or, d'entre toutes ces jeunes femmes,
tu es ma préférée!


PATIOS MAURESQUES

RECUEIL INEDIT. DU 18 AU 24 AOUT 2010