La Fontaine de Pierre


Par la lente et majestueuse
après-midi d'Août,
où le zéphyr fait suavement
bruire toute la pinède,
une fontaine chante
dans sa vasque de marbre blanc,
entre un grenadier aux grenades vermeilles
et un citronnier aux citrons d'or!


Ceci me fait songer
à une autre fontaine,
à mille lieues d'ici,
qui, dans le temps passé,
chantait pareillement
dans sa vasque de pierre,
auprès d'un platane
aux feuilles semblables
aux paumes de mes mains!


Or, sur l'onde cristalline
de cette fontaine,
j'allais poser mes lèvres
consumées par la passion,
pour lui confier ma peine,
ma peine causée par un été
rapide comme un orage,
l'unique été où je vécus vraiment,
et où, à quelques jours d'intervalle,
je fus, tour à tour,
objet de l'amour et de la désamour,
de l'affection et de la désaffection,
du plaisir et du déplaisir,
de l'agrément et du désagrément
d'une seule et même personne,
celle qui cloua dans mon coeur
l'épine d'une passion
que, quarante années après,
je ne suis pas parvenu
à éteindre tout à fait!


Ce n'est pourtant pas elle
que j'espère retrouver
au détour d'un chemin,
en allant et venant
avec un carnet de notes,
un carnet où je consigne mes rêves:
j'attends la véritable Bien-Aimée,
celle qui, à l'image de la passante
de Baudelaire,
m'eût aimé pour toujours,
oui, celle dont le vent murmure le nom
et dont la montagne répète l'écho des pas!


Or, mon âme sait
que jamais je ne verrai
la véritable Bien-Aimée,
mais mon coeur, mon pauvre coeur,
l'attendra jusqu'à mon dernier souffle!


Seuls les petits nuages blancs
de cette fin d'été
se souviennent de mon ancienne peine
et versent, de temps en temps,
quelque pluie bienfaisante,
comme une libation
sur l'autel de ma première
amour!


Et seules les blanches colombes qui,
perchées sur les hautes tours de l'Alhambra,
contemplent la véga de Grenade,
me consolent de l'absence d'une amour
qui eût duré toujours!


PATIOS MAURESQUES

RECUEIL INEDIT. DU 18 AU 24 AOUT 2010