Le Rossignolet à l'Aile Brisée


Je chante dans un
des innombrables buissons
de ton jardin,
et je ne m'envole point,
lorsque des humains approchent!
Car je suis le rossignolet
dont tu brisas l'aile
par négligence
ou par inadvertance!


Oui, c'est toi qui,
sans le vouloir,
m'infligeas
une si terrible blessure,
oui, toi,
ô mon soleil printanier,
ma pluie et mon beau temps,
ma lune aux seins cuivrés!


Pourtant, malgré ma blessure,
je continue à chanter ta beauté,
ô ma montagne la plus élevée,
ma plaine la plus fertile,
ma très suave colline,
mon dulcissime coteau,
ma pente escarpée,
ma gorge cruelle,
mon ravin raide!


Et, bien que tu fusses injuste avec moi,
je salue ta beauté,
ô mon banyan le plus haut,
ma feuille la plus soyeuse,
ma fleur la plus odorante,
mon basilic le plus vigoureux,
ma fleur de menthe
la plus embaumée!


Malgré tes torts évidents,
je reconnais en toi
mon merveilleux verger,
aux senteurs pénétrantes
de mangue, de papaye,
d'ananas et de banane!


Oui, tu es pour moi
un palais de marbre
de la Vieille Delhi,
et l'icône même
de l'Épouse de Bouddha!


Tu es à mes yeux
le plus beau jour
qu'il m'ait été échu de vivre
et la nuit même
où la brise chanta
comme une femme
à la voix chaude et grave
et ruisselante d'amour!


Oui, tu fus dans ma vie
un sommeil tourmenté
aux rêves inquiétants,
et, en même temps,
le sommeil le plus paisible,
aux songes les plus dorés
qu'ait été donné à un homme
de voir défiler
devant ses yeux clos,
sur cette terre
où tout est songe,
et ombre fugitive!


Or, tu seras dorénavant
pour moi,
un crépuscule automnal
aux reflets de bronze doré!


LE FEU DES ORCHIDEES

RECUEIL INEDIT. DU 1ER AU 07 SEPTEMBRE 2010