L'Aimée de Naguère


L'ombre de ta tendresse
cache le soleil, la lune,
les étoiles
et la Voie Lactée elle-même!


Ô ma Bien-Aimée,
les sons de ton luth,
à peine plus recourbé que ta croupe,
parviennent jusqu'à moi
qui suis couché dans un lit de roses,
sur le toit-terrasse de ma maison!


Et, tout en aspirant la fumée
de ma pipe allumée,
je rêve à ton fondement,
plus ardent que ma pipe,
et où naguère, à chaque nouvelle nuit,
je me baptisais dans le feu de ta volupté,
cette volupté qu'encore aujourd'hui
je me surprends à regretter,
après tant d'années écoulées,
et bien que plus de la moitié de ma vie
s'en soit déjà allée
et bien que ma jeunesse
soit partie en fumée!


Ô très chère,
te souvient-il
de nos jeux innocents
où tu t'allongeais à plat ventre
sur un lit de lotus blancs,
au bord d'une petite rivière,
cependant que moi,
le torse dressé
et mes mains naïves
autour de ta taille fine,
je jouissais de ton corps,
plus croustillant qu'un beignet
à peine enlevé au feu
et plus souple que le plus svelte
des cocotiers?


Or, tu m'apparais aujourd'hui,
où je ne suis plus qu'un renonçant,
à peine moins étrange que le soleil
et que toute la voûte stellaire!


Et, plus que les plaisirs d'autrefois,
je regrette tes aisselles chaudes
qui embaumaient l'essence de girofle
ou la noix de muscade
et les bords de ton vagin,
où il faisait si bon s'extasier!


DRAGON DE LUMIERE

EDITIONS ENCRES VIVES. JANVIER 2011