L'Amour sans Repos


Non, tu n'es pas une de ces passantes
que j'aime en passant,
comme passent les nuages pourpres
au-dessus des montagnes,
aux crépuscules automnaux!


La preuve en est cet attachement perpétuel
à ta personne
que je conserve de façon spontanée et naturelle,
comme si j'avais une dette de fidélité
envers toi,
à l'image de la dette de l'Empereur du Japon
envers Amaterasu, la déesse du soleil
et fondatrice légendaire
de la dynastie régnante dans l'archipel!


Or, bien de l'eau
est passée sous le pont,
depuis le temps où je te fréquentais!


Ta chevelure était alors noire,
comme les plumes d'un corbeau
et la pâleur de ton teint
était embrasée comme par un feu intérieur!


Mais, à l'heure où je parle,
ta chevelure doit être devenue
grise ou blanche et clairsemée,
des rides se sont dessinées peut-être
sur ton visage, venues d'on ne sait où,
et ton sourire doit être fané
comme une orchidée flétrie!


Entre-temps, je me suis séparé de toi
que j'aimais,
j'ai quitté les lieux heureux
qui m'ont vu naître à l'amour,
je n'ai pas obtenu ce que je désirais
et je ne me suis pas libéré!


La seule liberté dont je dispose,
c'est d'évoquer le souvenir de nous deux,
assis au printemps sur une terrasse de café
ou réunis sous le toit
de ma chambrette d'étudiant!


Le soleil de cet été extraordinaire,
où je connus, enfin, un commencement de tendresse,
me réchauffe, aujourd'hui encore,
en ce début d'hiver,
et la pleine lune de ce mois de Juin lointain
continue à m'éclairer!


À présent, je fuis le soleil, désormais terne,
et c'est à peine si je regarde la lune!
Et le poète dit que, quelque soit le regret
qu'on ait de la vie si brève,
il n'y a point de remède!


Et sans doute, un jour je mourrai
comme un chien
couché sur le chemin!
Mais entre-temps,
mon amour n'aura pas connu de repos!


LA PRINCESSE DE CHINE

RECUEIL INEDIT. DU 26 OCTOBRE AU 1ER NOVEMBRE 2010