À la Bien-Aimée de Naguère
Ô ma Bien-Aimée de naguère,
dès le lendemain de votre départ,
vous m'oubliâtes!
Or, tout aujourd'hui parle de vous,
les feuilles de peuplier
comme les feuilles mourantes de platane
ou bien celles de mûrier,
les bégonias flétris
comme les cyclamens fanés,
les tourterelles enfuies
comme les cigales mortes
et les grillons mangés par les milans!
Et dire qu'au moment de votre départ en voyage,
vous exprimâtes la crainte
que je ne vous oublie!
Comment pourrais-je vous oublier?
Je ne suis pas mobile comme la lune
et inconstant comme la fortune!
Je suis aussi inchangeant que le soleil
et que toutes les étoiles fixes,
et aussi stable que la succession des saisons,
depuis le premier calendrier
conçu par les astrologues!
Quant à vous, vous m'oubliâtes,
parce que, pour vous,
je suis moins que le crayon
avec lequel vous dessinez vos sourcils
ou vous soulignez le pourtour de vos yeux,
moins que votre rouge à lèvres,
moins que votre poudrier,
que votre houppette
et que votre miroir portatif,
moins que votre étui à cigarettes
et que votre tabatière,
et beaucoup moins que le sac à main
où vous rangez ces objets
qui vous tiennent à coeur!
Et, en plus, je suis un de ces poètes laids
qui, avec leurs mots d'amour passionnés,
font fuir les demoiselles!
Voilà pourquoi, vous fûtes
plus cruelle que Sémiramis
et plus volage que Cléopâtre!
Pourtant, je regrette votre peau fleurie,
votre vulve épanouie comme une mangue
et votre croupe plus juteuse
qu'une pastèque!
C'est donc pour de sottes raisons,
presque par hasard,
et sans vraiment en être consciente,
que vous m'avez fait manquer
une de ces occasions
qui ne se présentent qu'une seule fois
dans la vie d'un poète,
oui, vous m'avez empêché
de jouir de votre sexe,
plus profond que la nappe phréatique,
et de votre cul,
semblable à un merveilleux nuage doré
de la première aurore du monde!
Mais aujourd'hui, j'ai la satisfaction
d'être aimé de la Muse,
femme belle entre toutes!
ETOILES JUMELLES
RECUEIL INEDIT. DU 26 AU 31 DECEMBRE 2010