La Maîtresse à Penser


Ô fille d'Hanoï,
plus fardée qu'une geisha de Nagasaki,
ô petite congaï de Saïgon
à la hanche de nénuphars blancs
et à la figure de colibri
volant au-dessus des hibiscus rouges
d'un jardin d'amour,
ô toi qui as les pieds plus fins
qu'une Cantonaise
et qui es coiffée de perles blanches,
ainsi qu'une Chinoise du Nord,
salut mille fois!


Malgré mon âge respectable,
je m'incline devant toi,
comme devant le trône d'un phénix supra-céleste
ou d'un dragon de la stratosphère
qui s'envole vers les régions du Milieu!


Car tu es une angelette
incarnée en une fille de Shanghai,
oui, en une Orientale adorable
vivant dans le quartier réservé au plaisir
de ce grand port maritime
où les matelots venus de tous les horizons
s'enivrent à la hâte
de mer, de parfums et de femmes
dans des maisons mal famées
aux lanternes rouges!


Et, de même que la ville de Hong-Kong
s'étire tout le long du rivage,
de même tu étales tout ton corps
à mon côté droit,
sur le lit de repos
aux coussins de soie
et au matelas épanoui
comme une grande orchidée,
au milieu de laquelle tu reposes,
ô reine de mon univers
délicatement impudique!


Car, si ma maîtresse était la Raison,
j'aurais du mal à imaginer
autre chose que des débauches
semblables à des douches froides,
à des orages d'acier
ou à des musiques dissonantes!


Ô petite fleur de Singapour,
apprends-moi à être l'élève
du plaisir le plus haut,
car le plus raffiné!


A L'OMBRE DES FRANGIPANIERS

RECUEIL INEDIT. DU 13 AU 21 JUIN 2011