La Petite Congaï-Phénix
Ô mon phénix,
mon oiseau éternel,
plutôt que de te représenter sur ma toile
sous l'apparence traditionnelle d'un oiseau fabuleux
qui porte sur sa queue multicolore
six plumes ocellées,
je préfère te dessiner
sous la forme exquise
d'une petite congaï saïgonnaise
dont la croupe se balance sans cesse,
ainsi qu'une bergeronnette,
et qui porte au-dessus de son oreille gauche
une orchidée cueillie dans un jardin du Siam,
et dix perles sombres
apportées de Tahiti
par une pirogue maorie
dont le capitaine est un de mes disciples!
Et je m'agenouillerai trois fois
et je frapperai le sol de ma tête
devant l'image de congaï-phénix,
comme si celle-ci était ma mère,
digne d'une triple génuflexion
et d'une triple prosternation!
Agenouillé devant l'icône de ma petite congaï,
je lui offrirai, comme sur l'autel des Ancêtres,
une fleur de pêcher,
signe de longévité,
puisque, selon la croyance chinoise,
le pêcher vit dix mille ans,
et une grenade
qui à la fois évoque ses seins
et porte dix mille pépins dans sa pulpe,
autant que les enfants
qui, de génération en génération,
l'adoreront à cause de sa beauté
toujours actuelle,
et plus grande que la beauté
du dragon aux quatre griffes
et que celle du lotus sacré
aux cinq feuilles!
C'est que, ô ma très aimable congaï,
ta beauté a le charme de la vie,
non pas fabuleuse ou légendaire,
mais tout simplement saïgonnaise!
Or, tu es la seule à m'avoir entendu
chanter dans la chambre d'amour,
oui, tu es la seule à avoir perçu
les accents lyriques d'un poète
qui n'est autre que moi!
A L'OMBRE DES FRANGIPANIERS
RECUEIL INEDIT. DU 13 AU 21 JUIN 2011