Maguelone
La flexion élégante de ton genou
et le jeu célèbre de ta hanche
me rappellent les rues de Maguelone
où, enfant, je me sui promené
en Rêve,
ô Joies, ô Délices!
Et je n'ai jamais compris
ce que le Roi qui a détruit
cette Cité fameuse
lui reprochait!
Sans doute, la même chose
que, aux temps antiques,
dans la bienheureuse Italie,
les Grecs reprochèrent
à Sybaris la Superbe:
la fragrance de ses jardins,
la clarté de ses édifices,
la démesure de ses temples,
la grandeur de ses murailles,
l'ivresse de ses hommes,
la sensualité de ses femmes,
l'appétit de vivre,
conjugué avec la Foi dans la Terre
de sa Jeunesse!
Ce sont là
des arguments terribles
dans la bouche des Ennemis du Plaisir,
tant la Vérité
leur est insupportable,
tant la Haine de Soi
les happent dans sa géhenne
et les pousse
au Crime d'Etat!
Ce Roi, digne seulement
de la potence,
celle même que, plus tard,
connut son descendant innocent,
ce Roi, dis-je, a voulu extirper,
du coeur humain,
jusqu'au souvenir
de l'opulence spirituelle
des Maguelonais
comme, à la même époque,
dans les Indes merveilleuses,
un empereur moghol
a voulu faire oublier
jusqu'à l'ombre des Golcondis,
ces citoyens roulant sur l'Or,
tant matériel qu'immatériel!
Nous, à notre tour,
imbus de l'énormité
de Notre Désir
et citoyens du Monde
enfin sans Maître,
sinon Libre,
nous n'avons de cesse
de voir cette race malade,
toujours sévissant
de ses contorsions malsaines
et de ses rigueurs obsolètes,
nous n'avons de cesse, dis-je,
de la voir décapitée!
Car nous sommes impatients
de voir clore
ce Procès, intenté depuis la nuit des Temps,
à notre Volupté
au nom de la pudeur
et de la modestie!
C'est que
dans notre langage précieux,
nous appelons Modestie,
le sentiment de Fierté
que nous donnent nos corps,
et Pudeur, la Beauté de nos Âmes!
LA MAREE DES SENS
RECUEIL INEDIT