Le Pavillon d'Amour


C'est devenu de nos jours
un pari impossible à tenir,
oui, c'est devenu une gageure
que de traiter de choses non-quotidiennes,
exclusivement poétiques,
tels que la conversation des coucous
ou le chant des cigales
et des merles mandarins,
la contemplation du corps nu
d'une jeune femme,
la course dans les airs,
à l'heure méridienne où tout est immobile
comme la Divinité,
et, enfin, la copulation entre un amant
et sa maîtresse,
tous les deux dans la force de l'âge
et qui est couronnée
par la jouissance simultanée
du phallus au comble de sa puissance
et de la vulve plus satinée que jamais!


Quant à moi, plutôt que de glaner
des grains de pensée
dans la cour des misérables et des nécessiteux,
je préfère partir
loin des miasmes de la vie en communauté,
oui, je préfère fuir dans ton ciel,
ô belle Annamite, mon amour,
passion de mon âme,
mon oiselle de paradis,
ma pouliche pure,
ma petite pigeonne nacrée!


Ô toi, vision de mes yeux,
ouïe de mes oreilles,
goût de ma bouche
et odorat de mon nez,
ta tête vue de l'intérieur
est un appartement tapissé de soie brodée
où, pendant le jour, pénètre le soleil magnifique
de l'Intelligence
et où, pendant la nuit,
luit la merveilleuse veilleuse
de l'Esprit!


Et ton opulente chevelure noire est
la forêt orgiastique
qui entoure ta tête!


Et ton coeur,
vu avec les yeux de l'âme,
est un pavillon d'amour
où au printemps vient se cacher une Déesse,
oui, une Immortelle qui chante notre couple!


Ton beau sein est un palais
parfumé aux orchidées et au musc!
Et ta croupe,
ronde comme la pleine lune,
est le rendez-vous des Bienheureux
et des Bienheureuses,
tous des gais martyrs du plaisir!


Quant à ta taille de guêpe,
je crains de la briser,
en te serrant de mes bras!


Ô toi qui serais capable
de mourir avec joie
pour me faire voir ton amour,
ce soir je te célébrerai au clair de lune,
caché dans la mangueraie de ton pubis!


LA JONQUE DE JADE

RECUEIL INEDIT. DU 10 AU 16 JUILLET 2011