Le Sacrifice à la Beauté


Dans la pagode de palmes tressées,
un rayon de m a gloire de trouvère
pénétra dans le sein d'une jeune femme
semblable à un lotus chargé de miel
et dont les hanches étaient
démesurément majestueuses
et follement enivrantes,
oui, plus enivrantes que
l'amrita,
l'ambroisie hindoue,
dont la possession,
dans un lointain passé,
fut âprement disputée
par les Dieux, d'un côté,
et les Asouras ou Titans, de l'autre,
car l'ambroisie assure l'immortalité
à ceux qui goûtent à elle!


Je sais pertinemment
que ce qui es joie de paradis
pour l'un,
est peine d'enfer pour l'autre,
mais nul ne pourra nier
l'importance extrême que revêtit
le plaisir que j'ai retiré à l'époque
de la pénétration de cette jeune fille
et que ce plaisir fut plus grisant
que le soma,
le nectar hindou!


Oui, cette volupté que je ressentis alors
continue encore à me griser,
en m'entraînant à des actes irraisonnés
et à des jugements de valeur
dépourvus de discernement!


Or, non seulement je ne regrette point
de m'être livré à cette volupté si brève,
mais, en plus, le souvenir que j'en garde
durera jusqu'à ma mort,
et même au-delà,
à travers mes hymnes
dont l'unique thème est fourni
par le souvenir éternel de la volupté
la plus passionnée au monde,
depuis au moins cinq millénaires!


Encore aujourd'hui, quarante ans après,
je continue à vénérer
la demoiselle anciennement aimée
et le souvenir de cette personne
agit comme une flamme
qui me fait répandre autour de moi
un parfum mystique!


Et voilà pourquoi,
mes hymnes demeurent,
à ce jour,
une pierre de scandale
pour tous les prêtres indignes
et leurs innombrables troupeaux de fidèles,
à travers le vaste monde!


Mais, nonobstant cette grégaire hostilité
à mon oeuvre,
je parviens à vivre heureux
de ce souvenir de jeunesse,
tout en m'enorgueillissant de mes hymnes
qui le célèbrent
comme un sacrifice sur l'autel
de la Suprême Beauté!


VERS LE GOLFE DU BENGALE

RECUEIL INEDIT. DU 21 AU 27 AOUT 2011