La Prise De Damas


Damas brûle sous le regard de Tamerlan
et l'encens des cyprès et des cèdres
de ses palais
recouvre la plaine bénie de Dieu
et monte vers le ciel,
presque toujours pur de nuages!

Cette ville sainte,
c'est mon sang qui brûle pour toi,
ô mon amour étrange et singulière,
ô toi que je n'ai jamais vue
et que je regarde comme la prunelle
de mes yeux,
ô toi qui n'existes que par la vallée secrète
de ton vagin dont le parfum
m'enivre et me séduit!

Et même les hymnes byzantins
de saint Jean Damascène
ne se composent pour moi
que des tulipes d'or de tes cheveux,
pareilles aux dômes incendiés
par le soleil tartare
et aux minarets pour toujours
en allés dans le firmament,
repoussés de la terre
par le fer terrible du conquérant!

Seul en subsiste
le minaret d'où sera proclamé
le Jugement dernier!

Hélas! La grande mosquée de Damas
n'est plus!
Ô châteaux anéantis de mon âme,
que j'ai livrée à jamais
à ma Bien-Aimée,
plus belle qu'une conquête,
plus cruelle qu'un conquérant!

Ô Femme élue, conduis-moi
vers Samarcande, ta capitale tartare,
que des artistes grecs et arabes
ont élevée afin qu'elle serve
d'étang pour la chasse aux cygnes,
menée de main de maître
par ton Khan, aidé de ses émirs!

Permets à moi
qui suis un de ces idolâtres
que ton sultan hait,
permets-moi que je chante ta croupe,
plus grande
qu'une ceinture de diamants de Golconde
dans la voûte de lapis-lazuli
de ton esprit,
et plus douce qu'une guéparde
se promenant dans le bosquet délicieux
de ton coeur
où chantent trois mille rossignols
à la fois!


LES CYGNES DE LA LUNE

RECUEIL INEDIT