Ode À Federico Garcia Lorca


Tu étais incarné
en un Juin éternel
comme un matin permanent,
comme une nuit perpétuelle!


Au jour de ta naissance éclatante,
les citadelles d'Espagne
aiguisaient leur acier cosmique!
Hercule jetait son Soleil héroïque
comme un dévolu
sur cette terre
aux taureaux légendaires,
sur cette vaste péninsule,
socle de l'Europe
aux larges prunelles!

Les coquelicots sans nombre
et les jaunes marguerites
offraient leurs couleurs
de sang et de feu
aux étendards royaux!
Les coucous chantaient
parmi les fleurs des citronniers
aux corps de mandolines.
Les orangers multipliaient à l'infini
leurs fruits d'or sans ombre
dans les airs de Valence!
Les roses, plus fortes que la Mort
s'ouvraient
comme des guitares
gorgées de perles!
Les aigles impériaux
célébraient leurs saturnales,
les lézards indolents
s'étiraient voluptueusement
et les flamants,
pourvoyeurs d'amour,
dansaient élégamment
dans les marais andalous!

À l'aurore de ta vie
tu grandissais à vue d'oeil,
porté par le désir
des lys virginaux
et des blancs lauriers!
Enfant, tu étais un jasmin
dont le parfum
atteignait le Paradis.
Homme mûr,
tu devins une gerbe de blé
aux racines pénétrant
dans le fouillis du ciel,
un grand pain en son midi,
fait d'une farine
digne de rois!


Malaga la Blanche,
Grenade l'Écarlate,
Cordoue la Terrible
et Murcie la Dorée
se regardèrent à l'envi
dans tes yeux
comme en un miroir
parfait!


Cependant, le Temps,
briseur de primevères,
comme un hidalgo de l'Abîme
dans les forges célestes
préparait déjà sa vengeance
pour tant de gloire,
ton crime généreux!
Car c'est lui qui arma
le bras destructeur
des ménades furieuses
qui criblèrent ta poitrine,
immense et féconde
en soupirs,
de balles d'astres!
La Lune gitane
fut ta sépulture,
comme il sied
à un guerrier pacifique!


Ne désespère pas
ô Federico Garcia!
Toujours tu porteras
dans ton coeur
l'Univers,
comme tu le souhaitais!
Car dans tes veines
coule la sève d'Orphée,
dompteur d'oiseaux
et de dieux,
et le sort d'Eurydice,
que sous les climats d'Espagne
on appelle Carmen, Dolorès
ou Marie,
sera à jamais associé
au destin du Poète lyrique,
ce belluaire de la vie
sauvage
aux arènes principales
du monde!


ROSES TRIOMPHALES

CHEZ L’AUTEUR. AVRIL 1999