À Ève


Tue s sortie de ma côte,
ô Ève toute suave, toute douce,
à l'image de l'oreiller de mon enfance
qui étreignait mon rêve
où coulaient des ruisseaux frais
et de larges rivières bleues
jusque devant l'autel de ta vulve
où déjà je sacrifiais le pain et le vin
à la déesse de mon âme
qui n'était autre que le ciel du paradis
sous lequel flottaient
tes longs cheveux de soie,
parfumés de mon amour
loué par les anges
en des odes de lumière
dont la musique emplissait
le Saint- Empire Romain Germanique
où régnait Frédéric Deux,
le roi- poète de Sicile!

Tu es le lit de la Seine
où je couche
et le double oreiller
où je pose mes baisers,
dans l'hôtel du cours Rondet
où dorment marquis et putains enlacés
après une nuit de travaux
où perça la peine d'être deux,
au bout d'une vie de solitude et de désolation!

Et d'écouter le fleuve qui chante,
accompagné d'un orgue de Barbarie,
la complainte du délaissé
et la lamentation de l'abandonnée!

Ces chansons plaintives
comme les chansons des coucous dans les bois
m'investissent de leur charme
étrange et pénétrant,
plein des souffrances
du peuple du Vieux Paris
à travers les générations amoncelées
comme les plumes de mon oreiller
auquel elles donnent une mollesse exquise,
chargée des leçons de nos pères
transmises aux plus malheureux
d'entre nous,
ces poussins dodelinant de la tête
sous leurs caresses
et apprenant d'eux
l'amertume de vivre
sur le sol de nos métropoles
se dérobant sous nos pieds
au milieu de leur climat variable
aux pluies ayant le goût acide d'exister!



Et de tirer les draps
au-dessus de ma tête,
espérant l'oubli des cruautés d'amour
et le retour des beaux jours,
au printemps nouveau,
quand fleuriront les lilas blancs!


PALABRES D'AMBRE

RECUEIL INEDIT