Vierges Famagoustines


Ô toi qui possèdes mes yeux
et mon coeur,
ô ma fleur de myrte de Chypre,
ô mon vin suave des coteaux de Limassol,
tu me fais songer aux anciens sérails
dont le harem, altéré d'amour,
assoiffé de beauté,
et affamé de gloire,
concentrait en un espace large
un luxe inouï,
ailé de plafonds de lapis-lazuli,
où les diamants figuraient les astres
d'un ciel de paradis,
de lambris d'ébène et d'ivoire,
de murs ornés de fresques païennes
et de divans profonds
ainsi que les croupes des filles
qui s'y couchaient comme sur le gazon tendre
des prairies de la vallée de Magnésie,
ce jardin d'Anatolie!

Ö ma vierge famagoustine,
ton doux petit con est
l'antique Méandre des Grecs,
le Menderès des Turcs,
dont le cours sinueux
donna son nom célèbre
aux multiples détours
qu'emprunte la pensée des sages!


Comme le Pactole de Lydie,
ce miroir de toutes les richesses
de la terre habitée,
il recèle en lui des trésors sans nombre
et des paillettes d'or cachées
dans sa vase opulente,
tant recherchée de tous les orpailleurs,
autrement dit, de tous les amoureux!

Ton clitoris qui fait les délices
de ton âme
est la ville grecque de Thyatire,
la Tyra des Ottomans,
où l'on écoute la musique ineffable
des cascades à la fraîcheur inoubliable,
comme dans l'Edesse de Macédoine
dont les fameux cerisiers
aux rameaux chargés de baies
noires et parfumées
composent ton pubis,
cette forêt giboyeuse
où chassent les sultans,
aidés de leurs lévriers d'Arabie
et d'une foule de pages
aux costumes fantasques!

Aucun doute ne t'est plus permis,
ma Mecque, ma Médine,
ma Jérusalem, mon Kom, ma Bagdad,
ma Rome, ma Compostelle,
ma Cordoue, ma Grenade,
c'est le jardin de roses de ta vulve,
et c'est l'âme de tes yeux
dont le blanc est fait
de sel de Chypre
et, le noir, des pinèdes d'Alep!

Quand je viens dormir auprès de toi,
c'est comme si j'allais en pèlerinage
à la Vierge des douze Cyclades,
c'est comme si je devenais
duc de Naxos et d'Andros,
ou poète-pacha de la vallée de Tempé!

C'est que tu es une galère génoise,
ou une barque d'Egypte
qui ramène à leur berceau
toutes les Arcadies évanouies
dans un immémorial rêve,
et tous les Edens
devenus des déserts,
dont le souvenir pourtant est resté vivace
dans les cavernes des cerveaux humains!

Oui, ton ombre de feuille printanière
sur ma face que tu rafraîchis
de mille et une essences
évoque le bonheur
d'une vallée du Cachemire
enfin pacifiée!


LES CYGNES DE LA LUNE

RECUEIL INEDIT