Léandre et Héro


Lorsque mon corps ne le permet point,
c'est mon esprit qui me porte jusqu'à ton rivage
et jusque dans ta chambre
où brûle un grand feu,
le feu même dont mon coeur brûle pour toi
dont les yeux sont des fanaux
qui brillent dans la nuit étoilée
et la croupe un Arc de Triomphe à Rome
ou un lion de Byzance,
transplanté à Venise!


Et, dans ton alcôve, je crois distinguer un lit
aux draps frais, jaunes et pourpres,
sous un couvre-lit en dentelle blanche!
Oui, je crois voir le lit moelleux
où tu dors paisiblement,
cependant que mon désir pout ton corps
s'accroît de la vision bouleversante
de tes reins à l'abandon
et de tes cuisses languides!


Mais ce soir mon corps est vigoureux
et je pourrai traverser à la nage
l'étroit bras de mer qui nous sépare,
alors que nous sommes unis par le coeur
et par la pensée!


Ah! Pourquoi n'habitons-nous pas
le même pays?
Ah! Pourquoi ne partageons-nous pas
la même chambre?


Une fois nu dans l'onde nocturne,
je me guiderai sur tes prunelles
qui brillent splendides dans la nuit,
plutôt que sur Callisto,
métamorphosée en Grande-Ourse
ou sur Ariane, devenue la Couronne Boréale!


Ô Phoebé, favorise ma traversée,
toi qui, lorsque tu es pleine,
tu deviens plus belle que toutes les étoiles,
comme ma Bien-Aimée qui devient,
lorsqu'elle m'attend,
plus belle que toutes les belles!


De même que toi, ô lune,
tu descends du ciel, afin d'aller au rendez-vous
avec Endymion, un humble berger,
sur le mont Latmos,
de même moi, un humble mortel,
je vais chaque nuit par l'Hellespont,
à la rencontre d'une déesse par la beauté!


En effet, quelle femme,
voire quelle déesse,
possède les yeux et la croupe
de mon amante?


Sois-moi favorable, ô Phoebé,
afin que, fortuné, je puisse ce soir
traverser à la nage l'Hellespont
et retrouver sur la rive d'en face
ma Bien-Aimée
qui, aussitôt, ôtera son manteau
et m'en couvrira,
le reste étant notre secret!


L'ESPERANCE NEE DE LA MER

RECUEIL INEDIT. DU 17 AU 25 NOVEMBRE 2011