Le Poète Frugal
Que demandé-je
à la divinité tutélaire des poètes,
en répandant la libation de vin nouveau
sur son autel?
Est-ce les riches moissons
de la grasse Thessalie
ou les troupeaux abondants
des montagnes d'Arcadie?
Ou est-ce l'or et l'ivoire d'Afrique,
la laine de Cachemire
ou la soie des Sères,
comme les anciens appelaient les Chinois?
Est-ce alors la production
des vigneraies d'Achaïe
ou des îles de la mer Égée?
Désiré-je m'entourer d'objets précieux,
comme un armateur fortuné
sur son cotre?
Or, tout cela est une cause d'ennui pour moi
qui me contente de la fière beauté
des jeunes femmes de Sparte,
évoquant la beauté d'Hélène de Troie,
du rêve élégant des jeunes hétaïres savantes,
comme Aspasie ou Thaïs,
de la douceur des paysages attiques,
de la vision du cap Sounion
et, en plus, de quelques olives de Crète
ou de Messénie,
de quelques fromages d'Épire,
de quelques grains de raisin de Corinthe,
du vin doux de Samos
et du miel de l'Hymette?
Et j'aime aussi que mes hivers
soient peuplés de beaucoup d'oranges
et qu'en Avril la docte Athènes
sente la fleur d'oranger!
CHANTER ET MOURIR
RECUEIL INEDIT. DU 26 NOVEMBRE AU 06 DECEMBRE 2011