Le Canari D'Orient


Assis à l'ombre des peupliers chanteurs
dilatant mon âme
qui se déploie comme le labarum de Constantin,
ou comme la bannière du Prophète,
ou comme l'étendard des doges de Venise,
ou, enfin, comme l'oriflamme
des rois de France,
je rêve à ta fraîcheur
de montagne de l'Epire,
à ta sinuosité de fleuve de l'Asie mineure,
à ton opulence de plaine du Péloponnèse,
à la volonté de ta vulve pélasgienne,
s'offrant à la pénétration
comme la voie étroite du plaisir extrême,
au volume et à la profondeur de ton derrière,
cette lettre cachetée de sultane,
destinée à mon coeur clandestin
de pirate barbaresque
et de corsaire grec!

Ta douce causerie,
quand tu te mets à mon côté
sur le sofa,
fait penser au cantique d'un canari
dans une cage qui sent le santal,
abondamment pourvue en graines,
et où une tasse en or
contient de l'eau parfumée eaux fleurs!

Ton rire semble,
tantôt le trompettement d'un cygne apprivoisé
dans un étang turc,
et tantôt, le chant d'un merle
à l'aube de mai en Attique!

Quant à ton sourire,
il est le souffle d'un vent étésien
dans la chaleur torride
du mois d'Août crétois!

Tes seins sont des petits gâteaux de Syra,
ces loukoums dont je me délecte
comme un pacha des Cyclades
ou comme un duc franc d'Andros!

Et de caresser ta croupe,
pareille à une corbeille en osier,
remplie de figues des îles de l'Egée,
ou à une couffe en feuilles de palmier,
pleine de draps d'or,
et où prend place une fille dévêtue,
frétillant comme un poisson rouge
dans le bassin de marbre
de la cour d'un yali du Bosphore!

Les deux battants de la porte de ton corps
sont en bois d'aloès,
et ton esprit lui-même est
un bois odorant d'Orient
et l'encens femelle qui brûle
dans l'église copte d'un village égyptien,
devant l'icône de la Vierge Santissime
qui a les traits parfaits
du visage d'Isis ou d'Aphrodite,
ces déesses qui planent toujours
au-dessus de la Méditerranée,
où, de tout temps,
les mythes sont partie prenante
de la plus humble
et de la plus magique réalité!


VOUTES DE CARAVANSERAIL

RECUEIL INEDIT. MAI 2004