À l'Arlésienne
Par la Voie Aurélienne
dallée d'asphodèles et de romarin,
et bordée de platanes célestes,
je descendrai de Milan l'industrieuse,
vers ton empire,
ô Arlésienne
au profil de fleuve bleu,
aux prunelles ébénines et ivoirines,
au visage où se mélangent
les tribus samaritaines
aux tribus d'Israël,
les Danaens aux Troyens,
les Andalous aux Catalans!
Car, en toi,
les princes d'Arabie,
à travers les volutes
de leurs flûtes d'or,
enchantent les Cours d'Andalousie,
et les comtes de Barcelone
guerroient et chantent
sous les remparts d'Arles
ou d'Avignon,
et sous les murs de Tarascon,
livrés à la galante juridiction
des dames de Provence,
comtesses ou troubadouresses,
cependant que les clavecins
descendent jusqu'à la mer
le Rhône,
en des tartanes
aux voiles brunes!
Ton corps est véhément
comme la Sorgue
à sa naissance,
et capricieux
comme le Var
en ses crues!
Tos sexe
est incrusté dans ton corps
comme l'étang de Vaccarès
dans la Camargue,
et nourrit les flamants roses
de ton esprit!
Ton coeur
luit dans ma course
de Félibre moderne
comme la Sainte Estelle,
établissant le vingt-et-un Mai
comme date
de ma venue idéelle
au monde!
Car ton être
tient à la fois
de Mireille l'amoureuse à jamais,
de Carmen, la libre amante,
et d'Aliénor,
maîtresses des arts!
Ton amour
est fort comme un cyprès de Roquebrune
qui regarde secrètement
vers les îles
de ton sein de la Grâce,
résistant comme la pierre
de l'abbaye de Montmajour
et accompli
comme la rose de Grasse!
Les arômes des garrigues
et le parfum
de l'huile d'olive
revêtent ta chair robuste
et ornent ta parole
de leur goût subtil
portant à l'onctuosité
de l'imagination
et la suavité des manières!
Tu es fixe
dans mon horizon personnel,
comme la montagne versicolore
de Sainte-Victoire!
Et tu traverses
ma destinée
comme le Cours Mirabeau,
d'où ma jeunesse
prit son envol vers les Alpes, les Andes
et les Himalayas!
Ta hanche
est voluptueuse et affirmée
comme une calanque de Marseille,
dont il épouse la courbe,
et se teint comme un corail,
et les jours de félicité
je m'y baigne,
comme un roi barbaresque!
Tu es élastique
et toujours en suspension,
comme un landau à ressorts
tiré par une pouliche camargue!
Tu es un puits illuminé
par les fleurs des amandiers
de Valensole,
qui donnent en Août
des fruits mûrs comme tes yeux!
Tu es un chamérops
dont la palme
est flexible dans la brise
et ploie sous le mistral!
Tu es un vin blanc
de Cassis,
animé par le feu
de désir!
Tu es une Durance
de lait chaud
qui pénètre mes nerfs
sensibles à ta caresse!
Ô féconde Arlésienne,
dont la taille
évoque la lagune
sur laquelle
fut bâtie ta ville,
et dont les formes
suggèrent ses fastes antiques,
arènes et théâtres romains,
je suis lié à toi
par le sang de mon cerveau,
d'où naissent
les fleurs de grenade
qui sont les flammes rouges
de l'aurore!
LA LICORNE DE L’AMOUR
EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. FEVRIER 2001