La Campanie Heureuse


Heureux le prince
qui voyage en Campanie au printemps!
Que d'abricots, que de citrons,
que de caroubes, que de jujubes,
cette contrée fameuse
porte-t-elle dans sa matrice féconde,
qu'elle a conçus sous le soleil
et dont elle accouchera
en d'heureuses conjonctures d'astres,
pendant l'été qui viendra
comme une révolution germinale
aux innombrables bûchers
qui brûleront les cerveaux hivernaux
recouverts de neige des montagnes
et remplis de glaces polaires
et qui feront changer la face du monde,
de banale qu'elle était,
en une chose extraordinaire à la fois
et bénie, bien dans l'ordre,
dans l'élégance et dans la volupté divines,
et croustillante et fine,
gaie comme le jour
et lustrale comme la nuit!


Quel cadeau du ciel
aux mortels éblouis
que ce pays que les Grecs de la haute époque
appelèrent la Grande-Grèce,
et que, dans leur enthousiasme sacré,
ils dotèrent de dizaines, que dis-je, de centaines de temples doriques
qu'ils marièrent avec un sage contentement
au paysage tant joyeux
et propice au développement de la rhétorique,
mais aussi de la dialectique
du Moi et de l'Autre,
du nécessaire égoïsme
et de la sainte altérité,
et qui fait resplendir, en la polissant,
l'Idéalité hellène
au grand dommage
de la misère barbare!


ETREINTES D'AIRAIN

RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2004