À la Lune d'Août
Ô ma lune d'Août
qui approches de ton coucher,
lune de la fièvre amoureuse,
fais en sorte que je ne me rappelle pas seulement
les yeux de braise de ma maîtresse de naguère,
son nez pareil à un poignard de Tolède,
ses oreilles pareilles aux marguerites d'Avril,
ses lèvres pâles, desséchées par le soleil de la passion
et son abondante chevelure châtaine,
oui, ma lune, fais en sorte
que je me rappelle aussi les détails de son anatomie,
la forme exacte de ses fesses et de ses seins,
la rondeur, plus au moins parfaite, de ses cuisses,
l'élégance, prononcée ou non, de ses jambes!
Car la seule chose que je sais avec certitude,
c'est qu'elle avait un corps bien fait,
mince et svelte et souple,
sans rien de démesuré ou d'excessif,
un vrai corps de brune sévillane,
d'héroïne de romancero andalou,
un corps qui semblait me dire
que j'avais trouvé chaussure à mon pied,
un corps qui m'allait comme un gant!
Hélas! Je n'ai jamais joui
de cette chair joyeuse et mate, espagnole,
et, encore à ce jour,
mon regret en est immense, infini!
Or, s'en prendre à la destinée hostile
me semble la meilleure approche
de cette possession qui n'a jamais eu lieu
et qui pourtant a failli se réaliser
au temps de ma jeunesse
tourmentée et inquiète,
éternelle perdante!
LE JARDIN D'ESPAGNE
RECUEIL INEDIT. DU 22 AOUT AU 1ER SEPTEMBRE 2012