À La Fille Des Oliviers
Tu sembles, ô maîtresse fine,
être la fille d'un olivier d'or!
Tout en toi témoigne
d'une naissance olivaresque,
même le teint de ton visage
et jusqu'aux fruits de ton sein
et de ta croupe
qui ont toute la saveur suave,
teinte d'une douce amertume,
des olives,
et jusqu'à ta sveltesse de Caryatide
et ta démarche seigneuriale
de Grecque ancienne,
d'une de ces jeunes femmes
à la chevelure blonde ou châtaine
royalement retombant sur les épaules,
qui hantent les hymnes d'Homère,
d'une de ces jouvencelles
avec qui Anacréon eût voulu
connaître l'ivresse
qu'accorde aux mortels
le vin au parfum de femme,
d'une de ces amantes
de Sapho de Mytilène
qui lui donnaient tant de joie,
mais mélangée d'un intime chagrin,
d'un infime regret,
d'une élégiaque mélancolie!
Comme j'aime à te voir
te couler sous les oliviers verts,
et comme j'admire tes gestes précis,
quand, parmi des chants
résonnant jusqu'à la mer de Lesbos,
ou de Crète, ou de Péloponnèse,
tu cueilles les olives
qui bientôt seront l'huile vierge
assaisonnant les mets
des seigneurs ioniens
aux cheveux roulés en chignon,
ainsi que de très anciens Hindous,
comme des pauvres gens du continent
et des îles!
En délicat amateur de jeunes femmes,
dès que tu apparais
dans mon champ de vision,
je porte mes regards indiscrets
sur tes yeux appétissants,
d'un vert argenté
d'olivier sous le soleil d'été,
ou, le plus souvent,
d'un brun d'olive noire,
mais aussi sur ton nez
intelligemment retroussé,
même s'il n'est pas droit
comme une colonne dorique,
et sur ta bouche
qui appelle le baiser de fauvette!
Non, je n'ignore pas
les ruses dont sont capables
les jeunes filles, tes semblables,
ou l'indélicatesse qu'elles montrent parfois
dans les amoureuses relations,
mais, cependant, je leur suis reconnaissant
de la prestance, de la volupté,
du vertige sensuel,
de la vie qu'elles m'apportent,
et du soleil grec, sicilien ou ibère
qu'elles sont dans mon existence
d'universel exilé,
accablé de solitude!
NAISSANCES OLIVARESQUES
RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2004