Le Vent Etésien


Perdu dans le Libs,
ce vent du sud
qui souffle en été
des extrémités occidentales de la Libye
vers l'Hellade,
je regrette le vent étésien,
ce meltém des Turcs,
qui soufflait de ta gorge de neige
dans la plaine d'Héraklion
quand, acteurs et spectateurs à la fois
de l'universelle musique,
nous nous aimions
sous un olivier gris-argent,
non loin d'une belle vigneraie,
une de ces antiques vigneraies
dont la renommée s'était répandue
sous le Roi Minos,
et son frère Rhadamanthe,
au-delà du détroit de Messine,
jusqu'en Sardaigne, en Corse
ou en Etrurie,
la Toscane des modernes!


Quand j'évoque ces instants,
uniques dans la vie d'un homme,
où j'entre en toi
comme le fleuve Parthénios
pénètre en Bithynie
à travers des prairies
émaillées de fleurs
ou comme le Kairatos
arrose Cnossos,
je me crois dans la fournaise d'enfer
d'un désert de sable brûlant
où l'eau vite devient un mirage
dans lequel des zèbres alertes
et des gazelles élégantes
se désaltèrent à des sources merveilleuses,
cependant que des hippopotames
nagent dans une rivière
à l'onde généreuse
où une légendaire capitale africaine
est établie,
gouvernée par des lois pleines de sagesse
et hospitalières à l'égard de l'étranger
et du voyageur vagabond!


Mais qu'ai-je à faire des mirages,
puisque je n'ai pas perdu la foi
en l'idole de pierre
de la Mère Divine,
découverte à Pessinonte,
sous les monts Cybéléens,
puis transférée à Rome,
dans le temple de Mater Deum Magna Idaea!


Et de même que les prêtresses
de la Grande Déesse d'Anatolie
marchaient en portant
les saintes images,
les pieds nus sur un lit de braises,
sans être touchées par le feu incandescent,
de même moi,
transporté par la nostalgie
de ton insigne beauté,
je marche dans le désert ardent,
les pieds nus,
sans que pour autant
ma foi en l'Amour
en soit le moins du monde
entamée!


L'OMBILIC INFIBULE

RECUEIL INEDIT. JUILLET 2005