À la Fille du Gange


Ô Bien-Aimée aux cheveux de rosier sauvage,
depuis que j'ai bu
dans ta corne de licorne
cerclée d'or,
le mal s'est fait rare,
la maladie sournoise s'est éloignée
et le rictus de la Mort lui-même
a perdu de son horrible insolence!


Ta gorge qui ne respire
que la blondeur du miel
attique ou sicilien
exhale un arôme
d'huile fauve de cannelle
dont l'odeur se répand
sur neuf cent mètres à la ronde!


Et que dire de ta croupe?
Elle est ample et magnifique
comme le Gange
quand il passe devant Bénarès,
le Varanasi des Hindous!


D'ailleurs, le Gange lui-même
ne s'appelle-t-il pas Ganga
dans la langue du pays?


Et cette Ganga
n'est-elle pas une Déesse
ou une Apsara
née des cheveux de Shiva?


Il est donc naturel
que ta bouche tienne sa beauté
de cette épousée
aussi extraordinaire qu'un fleuve!


Mais tes flancs admirables
et admirés par l'univers entier
évoquent aussi par leur vastesse
l'antique cité de Pataliputra,
sise sur la confluence du Gange
avec l'un de ses affluents
et dont la largeur dans l'Antiquité
atteignait quinze stades
et dont le mur d'enceinte
avait cinq cent soixante-dix tours
et soixante-quatre portes!


Qu'il est divinement agréable
pour le brahmane que je suis
de m'étendre à l'ombre
du feuillage immense de tes fesses,
semblable par l'étendue
au feuillage du figuier indien?


Oui, une foule de Dieux Immortels
peut s'asseoir à l'ombre de tes fesses
suaves comme le suc sucré
de ce palmier des Indes
que les Hindous appellent tal!


Ô fille robuste comme une guerrière,
tu descends sans doute
du Roi Chandragupta
qui s'est battu pour l'indépendance des Indes
et de son petit-fils,
le magnanime, le pacifique
empereur Asoka,
flambeau de la royauté véritable
et perle du bouddhisme premier!


Or, tu es toi-même
la perle des femmes,
la plus blanche des perles
du collier qui orne ton cou,
une de ces perles
contenues dans une huître
et que ramènent au rivage
les pêcheurs qui chantent
l'éternelle mélodie de l'Amour,
du Cupidon des Latins,
de l'Eros des Hellènes
et du Kama des Hindous!


Ô Belle d'entre les très belles,
je me roule
dans la gangétique vallée de ton ventre
avec une volupté immaculée,
car bénie par les Déesses de Phrygie,
de Sumer et des Indes!


LA FEMME-COCOTIER

RECUEIL INEDIT. JUILLET 2005