Hymne à la Mer


Notre voluptueuse cité
s'endort doucement,
lasse des caresses de la brise,
du soleil et des yeux humains!


Bénis notre ville,
ô mer qui nous environnes
de toutes parts,
bénis ces hommes et ces femmes
pour leurs travaux de gloire
et pour la débauche
de leurs chants et de leurs danses,
tous pratiqués en ton honneur
et en hommage
à ton insigne et profonde beauté
où les topazes d'or
se mêlent aux saphirs bleus,
aux lapis-lazuli venus d'Arabie,
aux turquoises exquises,
aux lilas du matin
et aux suaves émeraudes
pareilles aux feuilles
des arbres du Paradis!


Cependant que les rocs dénudés,
embrasés de la lumière incandescente
qu'ils ont bu toute la journée,
rendent la chaleur ainsi absorbée
à l'air sec de notre pays aride,
nous autres magistrats et simples citoyens
de la Reine des villes,
nous te louons, ô Mer des mers,
pour ta bonté incommensurable!

N'es-tu pas la mère nourricière
de tout l'empire de la matière animée?


N'as tu pas, à la faveur
de la lune pourpre d'Août,
élevé des hymnes innombrables
à la splendeur des étoiles fulgurantes,
grosses de mélancolies pathétiques
et d'irrépressibles sentiments de bonheur?


N'as-tu pas chanté,
ô Poétesse des poétesses,
sur toutes les harpes éoliennes,
les Déesses et les Dieux
dont la parole est l'Infini
et la pensée l'Essence?


Permets donc que je communie avec toi
dans la pulsation mystique du dionysisme!


Car par certains traits de ton caractère
tu évoques Bacchos-Dionysos!
Comme lui, tu subis
maintes métamorphoses,
passant de l'état d'épousée tranquille
dans les bras de son jeune mari
à celui de Ménade en furie
quand les grands vents
flagellent ton corps
et ton esprit!


Rassure-toi, pourtant!
Mon propos n'est pas
de te faire le reproche éternel
de cruauté!


Non, tu n'es pas une dame cruelle!
Tu es une Mère Douloureuse,
donatrice de joie, de passion
et de mort!


Cependant, le soleil
du commencement de l'automne
me brûle
et fait de moi un brasier
d'où, ainsi qu'un être léger,
s'envole ton âme,
ô mer blessée,
ô mer bien-aimée!


LA CITE DE LA LUXURE

EDITIONS ENCRES VIVES. FEVRIER 2005