Des Dieux de l'Hellade


Ô hautes terres de l'Hellade,
et toi, Ionie, nénuphar d'amour,
et toi, Chypre, poétesse de l'écume,
et toi, Antioche, fleur d'Argos
transplantée en Asie
et toi, Sicile, acragantine
colonne empédocléenne,
et toi, enfin, Alexandrie,
fille savante
et voluptueusement parfumée
de la Mer intérieure
que nous appelons communément
Méditerranée la Bleue
et que les Romains à leur zénith
nommaient fièrement
«Notre Mer»,
je vous salue!


Et j'affirme, cependant,
que vous avez beau
expulser de vos sanctuaires
les statues de vos Déesses et de vos Dieux,
incendier les temples sacrés
ou les transformer
en nefs du culte chrétien,
vos Dieux toujours se souviennent de vous,
tiennent à vous
et toujours vous accordent
leur haute,
leur chaude protection!


C'est qu'ils ne sont pas morts,
mais sont éternels,
car ils jaillissent de mythes
à la valeur universelle,
pérenne et stable
comme le soleil de notre monde
et tous les soleils des mondes
que nous ignorons
et qui n'en existent pas moins!


Toujours et à jamais
vos Déesses recouvrent
de leurs ailes,
légères comme l'esprit,
Lesbos où vécut
la noble Sapho,
et toujours Artémis Diktynna
adore la Crète
aux cent mille lys
et toujours Apollon
danse avec Délos la Sainte
et toujours Dionysos
s'unit jusqu'au matin
à la Basilinna,
la Reine d'Athènes,
cité couronnée de violettes,
et toujours Déméter
fait lever le blé
dans vos plaines
et toujours et pour jamais
Zeus garde sur sa tête
son diadème sacré,
fait de foudres et de nuées,
au-dessus des cimes
de vos montagnes!


Et les oliveraies de Kalamai,
d'Amphisse, de Crète et d'Attique,
seul élément à qui vous restez fidèles,
chantent dans la brise,
du commencement de l'automne,
l'antique, la primordiale sagesse d'Athéna
qui fit de l'olivier
l'arbre sacré de la race
d'Hélène-Séléné-Lune!


Et même d'entre la foule humaine
qui peuple vos villes modernes,
enlaidies par l'idolâtrie occidentale
de la machine,
on voit surgir des Aphrodites Callipyges
et des Artémis d'Ephèse
aux seins en cascade,
des Dryades aux chevelures
tissées de lianes
et des Bacchantes couronnées artistement
de lierre divin
et des Hermès à la jeunesse éternelle!


Cependant, mon coeur,
quoique gagné à la cause païenne,
s'émeut et tremble
chaque fois qu'il entend
un son de cloches!


Cet organe de mon âme,
manque-t-il à la foi jurée?
Se contredit-il?


Nullement, car le Sauveur,
le Christos Sôter des Grecs,
bien qu'à l'origine
venu de Palestine,
comprend et transcende même
tous les anciens Dieux de l'Hellas,
et à travers Marie
revit Athéna,
la Déesse, la Vierge
du Mont des Oliviers!


LA CITE DE LA LUXURE

EDITIONS ENCRES VIVES. FEVRIER 2005