La Première Rose Andalouse


Ô toi, la préférée de la lumière,
la bien-aimée des roses,
la fille de l'aurore
et des grains de raisin noirs,
viens que je t'étreigne,
que je caresse tes paupières et tes hanches,
que je baise ta bouche et les pointes de tes seins,
oui, viens que je dévaste tes viscères
comme une dague ardente,
viens que je t'étreigne à même le sol,
sur ce lit de verdure
où tout est coeur et baiser!


Viens, échangeons comme des éclairs
nos cris de jouissance!


Tu es la dernière femme qui est apparue
au sud de la Sierra Morena,
oui, la dernière qui est née
dans le verger andalou,
au milieu des melons et des pastèques,
des pêches blanches et des pêches jaunes,
des cerises et des abricots,
des framboises et des mûres,
des grenades et des figues!


Quand la nouvelle de ta naissance me parvint,
mon coeur s'est mis à battre violemment!
Mais je n'étais alors que l'enfant de la vigne,
un jeune vendangeur imberbe,
un fouleur de raisins dans les cuves de la joie,
afin que le vin fermente
et nous procure l'ivresse!


C'est bien plus tard,
quand je mourus et ressuscitai
d'entre les morts,
après avoir traversé le Sahara de la solitude
sur un dromadaire maigrelet,
aux pattes torturées par le sable brûlant,
oui, c'est bien plus tard que vint
le temps de notre rencontre physique!


Après un bref voyage en mer,
j'ai enfin débarqué sur le sol andalou
où tu étais présente dans la foule curieuse
qui voyait arriver les voyageurs!
Or, tu me reconnus aussitôt
à mes joues mangées par une barbe
de plusieurs mois,
à mes yeux de palme en flammes
et à mon sombrero en lambeaux!


C'est à cet instant-là que je compris
que tu avais renoncé à jamais
à l'héritage de cruauté
qui fut dans le passé celui des femmes andalouses
et que, désormais,
tu étais, plus qu'une femme,
la première Déesse de l'Andalousie,
Celle grâce à qui
je pourrais m'élever
au rang de poète!


LE SACRE DE L'ULTIME MAURE

EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEU. ANDALOUSIE. COMMENTAIRE D'ANGELIQUE KOUMANOUDI DE L'UNIVERSITE DE HAIFA. 16 P. FORMAT A4.