À l'Aimée de la plus Haute Tour


Ô altissime Aimée,
quels jardins embaumés de Messénie
n'ai-je traversés
depuis l'aube mystique,
où j'ai cueilli les premières fleurs
dans tes yeux,
devant une tour abolie!


Oui, quelles haleines
d'orangeraies de la plaine d'Argos
n'ai-je respirées
et combien de roses et d'hyacinthes
n'ai-je dérobées
aux prunelles des jouvencelles
et, surtout, à la première d'entre elles,
toi, la plus mélancolique des jeunes filles,
la plus riche
et, cependant, la plus esseulée!


Oui, tu fus esseulée
comme une jeune génisse,
vierge de toute copulation,
dans les champs de la Morée!


Oui, esseulée comme une âme en peine
parmi les noires nues de l'automne
ou comme un châtelaine de Mistra déchue,
montée aux plus hauts créneaux,
au milieu des meurtrières
dominant la campagne
de leurs canons rouillés
qui naguère dardaient
des bombes larges
comme tes yeux
et ardentes comme eux!


Or, ta solitude était
tout ton orgueil
et ton plus beau souci!


Mais j'ai transgressé ton orgueil
et j'ai foulé aux pieds
ton plus beau souci,
car je brûlais de commettre avec toi
le plus grand des péchés,
le péché mortel
de l'éveil au soleil de l'Aurore
rosissant les hauteurs du Magne!


Du haut d'une falaise à pic,
où même un chevreau
hésiterait à se risquer,
je te contemple,
ô mer de Laconie
qui chantes dans les iris
de ma Bien-Aimée,
lumineuse comme un rivage de Grèce!


FLEURS DE SOLSTICE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005