Chanson pour une Athénienne


D'aussi loin qu'il me souvienne,
je vois devant mes yeux
un cirque de montagnes violettes
ceinturer Athènes,
exactement comme le milieu
de ton corps, parfumé à l'eau de violettes,
entoure mes reins
pendant les solennités de l'amour!


Or, ta hanche est opulente
comme le pain sorti de notre froment
le meilleur,
appétissante comme le sel de nos mers
et blanche comme un calice de nénuphar!


Ton sein même,
montueux comme l'Attique,
est doux comme le sucre candi,
frais comme un mûrier en été
et doré par le soleil
comme une fleur de lys
se dressant dans l'azur
qui est semblable à la soie bleue
d'une aile de papillon!


Quant à ton torse
dans son ensemble,
il est droit comme une torche
allumée aux feux de l'Etna,
et svelte comme un cyprès apollinien,
tout fier de sa croissance,
grâce à laquelle il devient l'égal
de la Nymphe immortelle qui le hante!


Que je sois à Constantinople
ou à Alexandrie, voire à Damas,
rien ne me charme autant
que le pays que tu as toujours habité,
où tu habites aujourd'hui
et où tu tiens cour d'amour!


Et je déclare même
préférer manger dans ta ville
des olives avec du pain noir
qu'à New York un perdreau
ou un faisan!


Non, je n'ai pas peur
que les argousins m'emmènent,
un beau matin, ligoté,
afin d'être jugé
devant ton tribunal!


Car je me défendrai
de l'accusation d'indifférence,
en apportant au dossier
comme pièce m'innocentant,
cet hymne présent
où je célèbre tes divins appas,
dont ta face
lumineuse comme la lune pleine
de Juillet,
ta croupe craquante
comme la neige fraîchement tombée
et tes mamelons
pareils aux mamelons
des monts attiques
où pousse fidèlement,
depuis des millénaires,
le thym, cette plante
difficilement transplantable
ailleurs que dans le Midi glorieux
et dont l'arôme
rend mes antiennes
plus nerveuses que des voitures électriques
et plus entraînantes
que des chants nuptiaux!


LE YATAGAN DE LA LUNE

RECUEIL INEDIT. JANVIER 2006