Le Satyre Rieur
Je suis semblable à un Satyre rieur
qu'un rien grise, qu'un rien enivre,
par exemple, le passage d'une jolie fille
ou le balancement, à peine exagéré,
des hanches d'une donzelle
un tant soit peu provocante
ou la contemplation d'un décolleté profond
ou le voisinage au café d'une jeune demoiselle
dont les prunelles tirent sur le vert amande
ou une coupe de vin doux de Samos,
accompagné de fruits secs
ou la digestion d'un mets délicieux
ou l'audition d'une pièce de musique baroque
ou la lecture d'un vieux livre
de poèmes latins ou grecs
ou, en hiver, le repos nocturne
sous de chaudes couvertures
et sur un matelas moëlleux
ou, enfin, en été, un merveilleux petit somme
à l'ombre d'un platane!
Quand je suis assis sur la terrasse
d'un café à la mode,
mon esprit s'occupe moins de soucis quotidiens
que de vergers opulents, de frais potagers,
de jardins royaux, de châteaux somptueux,
de doux pâturages, de divines prairies,
de verts bosquets, de Nymphes, de Naïades,
de Néréides, de Dryades, voire de Déesses,
ou, tout bonnement, de courtisanes
savantes en amour et dans les arts d'agrément
qui l'accompagnent, de salons littéraires,
de banquets de philosophes
ou, enfin, de guerres de fleurs
entre filles et garçons
et, et général, de combats pour rire
au Carnaval!
Toutes ces choses ont pour seul effet
de me séparer du reste du peuple,
comme par un abîme,
et me rendent pareil à un dieu immortel!
Voilà pourquoi, j'orne mon front de lierre,
signe d'adhésion au courant dionysiaque
de la religion de mes ancêtres païens,
Bacchus étant, avec Apollon,
l'un des principaux inspirateurs des poètes!
L'ENIGMATIQUE BEAUTE DE MARISOL
RECUEIL INEDIT. DU 28 NOVEMBRE AU 10 DECEMBRE 2013