Ode à une Beauté Athénienne


Dans ta sombre prunelle
ou Korè,
je me vois tout entier,
j'y lis mon âme
et j'y décèle les traits de mon visage
et de mon caractère
qui est enclin à sortir à sortir de la Nature
et de ses cycles
en vue de composer une oeuvre d'art
qui soit parfaite
et résistante au temps
comme le cristal
ou comme le diamant
et même comme l'or!


Or, quand je te contemple,
je sens monter en moi
le sang des anciens Athéniens
et toute la fureur poétique
d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide,
ainsi que du grand lyrique de Thèbes,
Pindare!


Et tout comme les Athéniens
s'enorgueillissaient d'être des autochtones,
de même je me vante
d'être le fruit
de la terre et du soleil,
du sel et du miel d'Attique!


Oui, Athéna fonda ma cité
et je suis moi-même issu
d'une longue lignée
de descendants du Roi Erichtonios,
le fils de la Déesse
et du Dieu des démiurges, Héphaistos!


Et mon propre esprit
vit et prospère
sous la forme d'un serpent
dans l'antique sanctuaire de l'Erecthée,
oui, d'un serpent nourri de miel
apporté par des fillettes
appartenant aux familles
les plus vénérables
de la République!


Oui, je m'identifie
à la plus auguste des villes
et tous mes hymnes
tendent à l'illustrer
et à la glorifier,
elle dont la gloire,
quoique immense et se suffisant à elle-même,
n'est jamais rassasiée
et demeure à jamais ouverte
sur la conquête de nouveaux territoires
et de mondes nouveaux!


Cependant, ô jeune femme
qui par tes charmes
m'a volé mon intellect,
dans ton flanc béni par la Dame de la mer,
Aphrodite la Cypris
ou la Cythérée
ou l'Erycine,
je retrouve l'Océan
encerclant comme un large fleuve
les terres
et le sol ferme lui-même,
avec les blondes génisses
et les taureaux qui y paissent
dans la quiétude de midi,
non loin des agnelles
et des béliers immaculés
et des chèvres blanches
et des boucs barbus!


Et tout comme j'y vois
la Nature déployer ses fastes,
je découvre dans ta hanche
la Sur-Nature des Déesses
à l'ample grâce
et les Dieux à la vigueur fulgurante,
toutes et tous réunis
autour de la grande table de banquet
de l'Olympe!


Et ce qui est stupéfiant en soi,
c'est que je tiens pour origine
du rire des Dieux,
tels qu'ils apparaissent
dans le cycle homérique,
ton sein sonore
où bat le plus doux
des coeurs de femme
et ta croupe ou Pygé,
ô Callipyge
qui posas pour Praxitèle,
couchée sur une peau de panthère
ou de tigresse!


Or, je voudrais déranger
le cours du soleil, de la lune
et des étoiles,
rien que pour être toujours vivant
et toujours à même
de me délecter
de ta savante splendeur,
ô jeune épousée
aux cheveux de jais,
couronnés du diadème
de Reine de la Beauté!


L'ANNONCIATION DES JASMINS

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2006