La Voix d'Athènes
Sur les flancs de ce vaisseau d'émeraudes,
deux cigales battent la campagne
et leurs feux s'entrecroisent
et s'entrechoquent
autour des lèvres de la terre!
Ô cigales devineresses,
ô Cassandres du bonheur,
votre voix est simple
comme un basilic
dont les vierges et les vieux sages
touchent les feuilles
afin d'en connaître le parfum,
parfaite comme les pampres
lourds de chaleur estivale
et innocente comme un chèvrefeuille
dont l'arôme captive
par sa finesse
les âmes naïves et pieuses!
Dans votre mélodie chantent
les figues de l'amour,
la dévorante soif
de la plaine d'Argos,
en délire à midi,
et les amoureux épris de pêches crétoises,
embaumées comme les vergers du Paradis!
Oui, dans votre musique
s'étirent de volupté
les viandes faisandées,
les fruits mûrs
et le vin gorgé de soleil!
Et à l'intérieur du corps humain,
la terrible usine
de travailler aux équilibres de demain
auxquels l'âme est redevable
de sa joie insigne
et fastueuse comme les ramages du velours
et les allégories de fleurs et d'oiseaux,
brodées sur les tapis de Perse!
Ô cigales divinatrices,
quoique vous sourdissiez de la terre,
cette mère commune à nous tous,
et quoique votre mélodie
soit toute terrestre,
comme si elle émanait
d'un Eden à portée de la main,
vous semblez être des signes du ciel,
oui, vous semblez être des cygnes élyséens
volant au-dessus des cimes des glaciers,
dans un ciel de cristal
dont c'est vous qui composez
les odes chastes!
C'est pourquoi, maint dialogue de Platon,
maints discours de Démosthène
et maintes tragédies de Sophocle
et maintes comédies d'Aristophane,
portent votre sceau inimitable!
Vous êtes, en vérité,
la voix même d'Athènes,
cette voix haute
comme le firmament étoilé de l'Hellade,
puissante comme l'airain
d'une statue d'Hercule
et plus passionnée
que le coeur des océans!
ENDYMION ET LA LUNE
RECUEIL INEDIT. JUILLET 2006