La Chair de Marisol


Je demeure impassible
face au vacarme des voitures
et au vrombissement des avions,
mais je ne puis que me troubler,
lorsque j'entends tes petits pas
sur le sol de la chambre d'amour!


Il m'arrive d'entendre chanter
dans une parfaite indifférence
les cantatrices les plus illustres,
mais je ne puis que m'émouvoir,
lorsque je me souviens de ta voix
de femme du Midi,
no trop aiguë, ni trop basse,
ni même enrouée, mais originale
comme un murmure de fontaine à Grenade!


Dans ma vie aventureuse,
j'ai dû affronter des désastres inouïs,
sans trop m'en faire,
mais je tremble de t'avoir offensée,
en ne te nommant pas dans mes chants nombreux,
au risque d'encourir le blâme
des lecteurs les plus bienveillants
qui ne peuvent deviner
que tous mes hymnes sont en fait destinés
à une seule et même dame brune, aux yeux noirs,
toi, ô Marisol, mon premier et dernier amour,
toi, mon enfant, mon petit moineau!
Comment un élève de Hafiz comme moi,
pourrait-il se permettre
d'aimer chaque jour une personne différente?
Être inconstant, c'est commun,
être fidèle c'est si rare!


Souvent, je me ris de ceux qui me méprisent,
sans autre raison que leur bassesse,
mais je me sens anéanti,
lorsque je songe à tes prunelles,
à la fois lumineuses et mystérieuses,
lorsque tu me regardes dans l'ombre,
ou quand l'image de ton éloquent visage
revient devant mes yeux clos,
lorsque je dors!


Et, lorsque je mange du raisin de Corinthe
ou des figues d'Attique,
il me semble que je caresse ton doux con
ou tes mamelons: c'est ma façon de m'annihiler
devant la saveur de ta chair,
ô mon Infante, ma Reine!


L'ETRE DE MARISOL

RECUEIL INEDIT. DU 04 AU 14 FEVRIER 2014