Hymne à Beyrouth


Ô Beyrouth, ô belle enfant
à la suavité d'orangeraie embaumée
dans la brise vivifiante
venant de la montagne du Liban,
ô fille d'Aphrodite Adonéenne
contemporaine de la Cosmogonie,
ville plus ancienne que le soleil,
plus antique que la lune,
plus ardente que le Chien céleste
et plus bleue que lui,
qu'on appelle aussi Sirius,
jouvencelle toute dorée,
ô bienheureuse Grâce,
ô Orchomène phénicien,
ô ancestrale république,
antérieure même aux cités de Chypre,
à Paphos ou à Amathonte,
ô demeure de Baal-Zeus,
ô domaine de Bacchos,
ô maison des Amours,
haut lieu de la Justice,
fondement de la Loi,
ô toi, l'impérieuse par la douceur,
l'Impériale par la naissance pourpre
dans le sein de la mer turquoise!


Retiens des griffes de ta patte
cette flamme allumée par les Furies
qui te consume
et menace de te détruire
toute entière,
ô tigresse si maternelle
pour les tiens
et dans la poitrine de qui
bat le coeur de l'univers en délire,
aiguillonné par la manie bachique!


Ô Muse libanide,
c'est en vain que tu te repais
du sang de tes plaies,
pour nous tu demeureras toujours
la bienheureuse épousée,
la vierge qui vient de se marier,
à la parure d'Etoile du Soir,
à la démarche d'autruche,
au port de lionne,
au regard de chamelle,
à la pensée de fauconne,
à la vitesse de milan,
au désir de blanc cygne,
à la palpitation de cigale,
au rêve de rossignol,
au teint d'aurore auprès du rivage
battu des flots
de la mer violette
et à la parole cadméenne!


Ô Liban, pays où pour la première fois
est née l'espérance
et s'est épanouie la mansuétude,
fais éclore dans nos cerveaux
un hymne de cèdres et de pins,
d'oranges amères et de cédrats,
de grains de raisins
et de grains de rubis!


Ô Beyrouth, la Bérytos
des Latins et des Grecs,
celle dont le nom
signifie en langue phénicienne
la Ville,
tu es l'ultime rempart
de la bonté,
la muraille ruinée de la beauté,
l'Acropole où se dresse
ce qui demeure en nous
d'une humanité vieille comme l'univers!


LA FAUCONNE ET LE CLOS DE VIGNE

RECUEIL INEDIT. AOUT 2006