À La Licorne De L'Amour
La guitare accompagnée de castagnettes
est la mer qui se brise
sur la côte douce,
la main de Dieu
qui caresse les tamaris
de ton âme,
le mont d'émeraudes
qui jette son ancre
dans ton coeur fendu par l'émotion,
l'ambre qui goutte
du soleil du paradis,
ton élégante démarche
de nef de clavecins,
l'anagogie de ta voix
qui m'élève
des profondeurs chtoniennes
aux immensités solaires,
le fracas des roses violentes
de ta jeunesse,
l'affirmation sauvage
de tes cornes d'abondance,
l'illumination de ton corps
par la torche d'Apadana
de ta vie splendide,
la profusion de ta chair
qui te rend pareille
au Rialto,
le pont d'astres de ton front
qui t'apparente à la nuit
d'or,
ta robustesse de campanile,
la finesse de ta parole
faisant ascender
la pensée immaculée
dans les abîmes sidéraux
par le miracle de l'Assomption,
et la faisant se réincarner
à nouveau sur terre,
l'Hérmogénie que tu suscites,
par la naissance en moi
d'un Hermès
parcourant avec aise,
et sans rencontrer d'obstacle,
les airs,
de l'Olympe
jusqu'à l'île de Calypso,
la vapeur qui émane
de ta figure,
l'entourant de l'halo
de la gloire,
ta grâce de Madone,
donatrice des présents
d'hospitalité,
d'amabilité, d'aménité, d'affabilité,
de vérité,
ton agilité de ruisseau
issu de la montagne virginale,
et sinueusement se dirigeant
vers la vallée blonde,
le velours
de ton corps de Venise
mariée aux doges
et aux nautoniers,
l'inflorescence, autour de ta taille,
des oscillations aphrodisiennes,
ton sourire de guérisseuse
de l'esprit torturé
par le mal,
ta magie d'Asclépiade,
ta rotondité de Bédouine,
ta délicatesse
de gazelle du désert,
ton intelligence
de servante des Déesses,
elle-même patricienne
et Nymphe,
la sérénité
de tes traits parfaits,
la féminité
de tes poses naturelles,
ta gentilité de sylphide,
ta royauté
de palme souveraine,
la puissance de tes flancs
à la suspension de calèche,
ta gravité d'enfant
n'annulant pas,
et ne contredisant point,
le rire débonnaire,
le caractère marmoréen
de ton regard,
ta réserve punique
induisant la spontanéité
la plus indemne
et éloignant de toute
vulgarité
étrangère à l'essence brillante
de tes formes déliées,
ta force
d'écuyère élastique
et noble,
ta mollesse
de femme habituée à la magnificence
de la volupté,
ta domination
d'antilope sûre d'elle-même,
ton omniprésence
d'eau musicienne,
ta subtilité
d'Être Connaissant,
ton importance
de faucille lunaire,
et, enfin, ta prédisposition
à l'harmonie
qui te rend égale
de Thaïs!
ô Toi,
qui perpétues le souvenir,
au milieu du monde nouveau,
des hétaïres antiques,
ô Belle aux yeux de lièvre,
ô Actrice cosmique
à la musique de levrette
de Perse,
à l'instinct sûr
de sloughi arabe!
Tu es Laïs
entraînant Appelle
aux champs du Principe!
Tu es Aspasie,
présidant aux arts d'Athènes,
accouchant
de l'immortalité de Périclès!
Tu es Phryné
révélant à ses juges
éblouis
le poème nu
de la création!
Car aucun juge
sévère
ne peut condamner
la beauté des cygnes,
et aucun chasseur
intrépide
ne peut vaincre
la séduction des flamants!
Car aucun esthète
impie
ne peut arrêter
la torsion
des colonnes baroques
des cathédrales cyclopéennes,
et aucun stratège
féroce
ne peut faire taire
les fontaines jaillissantes
dans les roches!
Et dans la fontaine Silsibil,
éclôt le rubis du Seigneur
et se mire
la Licorne de l'Amour!
LA LICORNE DE L’AMOUR
EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. FEVRIER 2001