L'Ode Natale
Je suis le gratifié, l'incliné, le prosterné,
l'aveugle orant des alcazars-tigres,
l'auroral, le sibyllin, le sûr,
le très cérémonieux, le très révérencieux
le très reconnaissant maître ès fortes écritures,
indolentes et grasses et dures et drues
et très sonnantes et purpurines,
ainsi que des bayadères et courtisanes divines,
lentement mûrissant en leur Avril onctueux et bénin,
allongées sur des riches soleils couchants!
Mon véritable lien, mon seul anneau de jumelage,
est un baiser suprême de fine amour,
d'immarcescible nature,
Comme la tornade perpétuelle des brillants délices,
Comme l'Etendard de paradisiers flottant sur les
vestiges du Jour Prédestiné,
Comme le Grand Canal luisant que les yeux de femme
fendent avec munificence,
Comme l'haleine violette des étoiles de mer,
Comme le Vent d'émeraudes fulgurant
jusqu'à la Gloire avec la soudaineté d'un hallali,
Comme le plus courtois trictrac des équivalences,
Comme la Musique Unique s'étendant,
de part et d'autre, de l'Acte Ultime du Soleil,
Comme Tenochtitlan-Mexico, l'Adornée des Lacs,
Comme des mains, des langues,
des gorges, des bouts de seins,
des torses, des flammes,
des chants et des silences d'eau
cherchant, quêtant, touchant, palpant
la Terre palpitante et sage,
sous les Piliers colossaux,
Comme le Serpent de granite,
jeté aux bords de la Vie,
en proie à l'Ordre Infini,
Comme l'Immense Vol inentravé,
vertical en vérité,
des Cataractes Eternelles,
Comme l'oblique déploiement
du corps du dieu omnipotent
entre les cordillères noires,
Comme le baume poivré des dos de mouette,
Comme le fossé sans fond creusé
sous le Castel du Coeur Immortel,
Comme le tangage radical des Jardins d'Aigles,
Comme le rapprochement,
esquissé in extremis,
entre les cimes suzeraines, enluminées de neige,
Comme deux lances croisées au nombril d'une Forêt
de cotonniers suspendue au-dessus du Doux Déluge,
Comme deux Vagues qui se rattrapent
et se recouchent en Amitié,
dans l'inextinguible cohérence
du Temps Trouvé,
coulant le long des flancs des guerriers en marche,
Comme la désaltération en soi
des troupes de séraphins dans la primitive onde,
Comme la natation des nombres,
sereins dans la nuit jaune,
Comme la fonte précoce de la lune
dans le sang des cerisiers,
et le Souffle brûlant du Devenir!
Voyageur sans ombre,
avec déférence mais avec souveraineté,
je domine les cinq sommets de la volonté
et les rivières aurifères qui les baignent,
semblables à des filles bien-aimées,
ondoyantes et nues,
sous leur chevet béni,
attirant à elles les nuages fantastiques!
Multiple hommage à vous,
Palmes monarchiques d'Asie,
Moussons de Indes Limoneuses,
Plumes entières des Indes occidentales,
Fraîches topazes des golfes de l'Afrique moyenne,
Atomes explosés de l'Estrémadure intérieure,
Peupliers en fuite de la Loire chasseresse,
Porteurs passionnés l'Âme
aux regards plus lourds que des bateaux,
vêtus d'étoffes précieuses de l'air,
noyés dans la jaune poussière de maïs,
Terrasses à balustrade quadruple
tétant toutes seules l'atmosphère bleue,
par-dessus les mâts de murailles
en bois transparent,
Danses lubriques et contradictoires
de barques de jade,
Incursions de métaux prestigieux,
Fermentations de gemmes amères,
Extraits d'escarboucles âpres,
Essences de saphirs,
Infusions de perles,
Jus de rubis sauvage,
Crèmes de diamants,
constellées d'agate transcendée,
Bains de thé, Pétales d'encens,
Abîmes de calices,
Coupes de nard de la Terre quintessente!
Douleur sans terme, douceur sans âge,
profondeur transpercée,
tour d'Observatoire,
colonne de voyance,
échevin céleste,
au teint de gerbe et de flambeau,
fleuve lacté,fleuve tumultueux,
fleuve ivre, buvant au ventre de Dieu,
la Parole monte, verte galante,
dans la tête
et dans l'esprit des Saints-Poètes,
s'étendant par-delà les ceintures des sphères,
jusqu'au tournant invisible du monde!
Accepte le joug de beauté,
ville ambassadrice de la splendeur!
Sur le degrés de nacre
qui conduisent à l'océan,
va à la très rieuse, à la très haute,
à l'hermétique clarté,
comme si tu venais
au plus mémorable des soleils pacifiques,
au plus jeune des azurs du soir,
et à la plus rectiligne des pluies
de l'ombre matinale!
En le point le aigu de toi- même,
ton centre et milieu,
vis dans la lumière rapide du feu des amants,
exalte l'extase de tes tours de lys
mariées avec le croissant!
Suis les boulevards fraternels,
trouve la Route de l'Etain,
connais la Pâque d'Ambre
et la Résurrection des parfums!
Nais dans la Résine maternelle!
Respire lourdement,
respire éperdument
et désire,
et repose, enfin,
enveloppée de l'Universelle Toison
tissée d'or véritable!
LE GRAND RETOUR
PUBLIE CHEZ L’AUTEUR EN OCTOBRE 1980