À Une Fille De Chah
Cependant qu'étincelle de tous ses feux
le collier d'argent que tu portes
sur le soleil d'Août de ta gorge,
je rêve aux coquelicots impalpables
de tes bouts de seins
et au perroquet de ta langue,
caché derrière la haie de marguerites
de tes lèvres que je baise
avec le respect dû aux dames galantes,
qui sont mon havre en ce monde
dévasté par les vents de rubis en furie
et mis à sac et pillé
par les tribus nomades de diamants
que nourrit la noble Arabie!
Ô Bien-Aimée plus douce
que le raisin d'Iran,
je suis le tué de ton regard langoureux
de rose rouge,
l'assassiné de ton coeur d'escarboucle
et le macéré
de ta vulve de velours grenat!
Ô Bien-Aimée plus ronde
que la pleine lune du Khorassan,
je suis le meurtri des tulipes de jais
de tes cheveux luisants
d'huile de Crète,
le ravagé de ton haleine fraîche
de pastèque
et l'ensanglanté de la grenade dure
de ton clitoris,
ce bas-relief de volupté extrême!
Ô Bien-Aimée plus mystérieuse
que les émeraudes d'Afghanistan
et plus violette qu'une améthyste
du Sind,
je suis l'incendié de tes hanches lourdes
de fille de Chah,
et l'enivré de ton pubis
à l'arôme de vin noir,
celui-là même choisi
dans Chiraz la Parfumée
par le délicat Hafiz,
dont l'amour fut un service de galanterie
sans fin et sans récompense,
si ce n'est au paradis
des brunes houris,
maîtresses des sages!
Au palais de ton père
qui règne sur les montagnes d'Ispahan,
et où l'on goûte volontiers
les concoctions de jujubes
dans l'eau de rose sucrée
et les gâteaux d'Orient,
à la pâte feuilletée
de légers nuages de printemps
et incrustée d'amandes,
je t'ai fait subir
le siège de mon armée du désir
dont le feu des batteries de canons
était alimenté par ma destinée
qui battait des ailes
au-dessus de nous
comme un faucon foudroyant,
comme un aigle fauve,
friand de places fortes
à conquérir de ses serres aiguës!
Ô lumière de mon amour illimitée
de conquérant arabe,
je sentis ta chair d'acier indien
entre mes mains qui cherchaient
la bête suave
comme un écureuil roux
sous ton pantalon bouffant
en soierie d'Antioche!
Ô ardente, ô enflammée,
brûle-moi comme un encens mâle
dans la cassolette chaude
de ton vagin pourpre!
Et laisse-moi te posséder
en cette nuit de Mai excitante
sur le Bosphore de l'ivresse,
où brûlent les coeurs
de tous les poètes d'Orient!
Au mois de Juin,
mois de la moisson
dans le Grand Sud,
je t'épouserai
comme un coq épouse
la nouvelle aurore
par des chants virils d'éveil!
Ne t'impatiente pas, pourtant!
À la nuit de ce jour mémorable,
je chanterai comme un rossignol
aux accents suaves
de mousseline de soie,
sur la plus haute branche
d'un cèdre du Liban,
devant la croisée ouverte
de la chambre où tu veilleras
jusqu'au matin
comme une nouvelle mariée
qui attend le nouveau marié!
Et, dès que j'aurai
cessé de chanter,
je me mettrai,
ainsi qu'un pigeon blanc,
à picorer les flocons
de ton âme de peuplier vierge!
LE COEUR DU DERVICHE
RECUEIL INEDIT