Chant De Rupture

Des fils d'iniquité étaient nés
d'un fleuve immense
d'abattement sans fin
qui charriait les décombres
des grandes cités dissoutes,
porteurs d'une infinie défaite,
Immortels Amonceleurs d'Immondices,
absolus, mortels et désespérés
Bâtisseurs d'Oubli,
Mal assis dans l'Eternité,
demeurant en les failles les plus frustes
de ses chaînes de neige vague,
ils perforaient ou sciaient
ou fracassaient les isthmes très précieux,
les plus puissants goulets,
avec les masses très ingrates
de leur scélérate démesure
qui les faisaient se disputer
sans cesse sur la quantité de participation
de chacun à la tâche commune
et inféconde d'oubli mauvais!

Absents à l'éclatante multiplicité
des choses,
s'abstenant de leur terrible continuité,
insupportable même aux meilleurs,
ils devisaient de la présence des hommes
à certaines choses,
plutôt qu'à d'autres,
car ils voulaient à jamais les fixer
aux travaux et aux pays,
et, sans difficulté au début,
ni malaise après,
s'amourachant de leurs concessions
et domaines personnels,
ils ordonnaient des plaisirs individuels
absolument,
une lumière purement atmosphérique,
car ils craignaient les Vents Sacrés
et leurs Affluents aux étranges clartés
mal connues, leurs enfants,
fruits de mille espaces
en mille espaces étant!

Des fils d'ignorance impure en réalité,
car d'inquisition, de mutilation, de division,
de fragmentation, de séparation,
séparant les êtres par des moqueries,
odieuses révocations du rire,
moquant, en des cavernes cupides,
les étroites imbrications,
l'enchevêtrement certain
de leurs racines réciproques,
identique au rayonnement
subtil de leurs nerfs!

Purs agents de déracinement,
d'arrachement, de destruction de souches,
ils arrachaient, en des zélées exégèses,
toutes revêtues d'invisibles sanctions,
les yeux aux oreilles,
les yeux aux bouches,
les corps aux têtes,
les têtes aux têtes!

Mais les hommes revenaient
dans les prestigieux volumes de son
de leurs corps,
arbres dénudés plus proches encore
de leur beauté,
pleins de douleurs fécondes,
affamés de perles qui viendraient
avec force heurter leur droite armature
de pierre
en une haute cascade de claire humanité!

Car ils étaient vieux de leur Eternité
et la génération ne pouvait
se perdre en eux!

LE SACRIFICE DU SOLEIL

ACHEVE D’IMPRIMER
EN JUIN 1979
SUR LES PRESSES DU CASTELLUM
8, RUE DE BERNE A NIMES.
EDITIONS SAINT-GERMAIN-DES-PRES
110, RUE DU CHERCHE-MIDI-75006-PARIS.