Le Sacrifice Du Soleil


Je ne demande ni ne recherché rien!
Je suis le fils de ma Mémoire,
pareille à un Fleuve Fidèle,
un Fleuve de Moyen Âge, Azur, Blanc et Vert,
Jouisseur, Substantiel et Fatal,
non pas Esclave, Fallacieux et Cauchemardesque,
Déployé, non pas Prisonnier,
Organique, non pas Accidentel et Plaisant,
Présent, non pas Exotique,
Engendré, non pas Abstrait!

Mes Noms et mes Prénoms,
je ne les ai reçus que de l'Air Libre,
et il n y pas honte à parler de soi-même,
quand soi-même est Air Libre!

Ma Volonté, j'aime la comparer
à une Proue de Muraille
ayant foi aux divinités diurnes
et qui, les mains jointes,
tombe à l'Angle Droit dans le Matin!

Pour ce qui est de mon corps,
j'habite dans lui selon la Manière Millénaire,
comme dans un Madrigal de Baies
et de Balustrades se poursuivant avec Vélocité
baignées à longueur de journée
des Vagues Temporelles
de la Terre-Fleuve et de la Mer-Ciel!

Je n'ai jamais fréquenté autres Ecoles que celles,
impalpables, de l'Esprit qui, lui-même,
n'est autre chose qu'un Vent d'Autan
déchirant les oreilles fatiguées,
se répercutant dans les Racines des hommes
comme une Armée qui avancerait dans les Profondeurs!

Marcher jusqu'au Sacrifice du Soleil,
sous un Arc-en-Ciel de Champ de Mars Naissant,
par des Avenues-Hymnes portées
sur des cinéraires maritimes,
couronnées de fougères et de plumes
aux couleurs tendres,
en Compagnie de Couples d'Archers
et de Femmes Libres
et d' Aigles Menaçants,
tel est le sens de toute proposition
de discipline interne faite par l'Esprit!

Marcher en réalité au-delà du Soleil,
jusqu'à la Porte des Perles,
et par elle pénétrer
dans les Palais Celtiques dissimulés
derrière leur Redoutable Immémorialité
et dont les fenêtres éteintes donnent
sur la Galère Neuve des Diamants,
mouillée dans le Port de Jade
de la Ville Lisse et Bonne
comme une Etoile d'Adieu
descendant une à une
les Marches Héraldiques de la Nuit!

Plus Opulente que Prismatique,
plus Sensuelle que Grandiose,
Opulente avant tout
et Prismatique secondairement,
Très Sensuelle, et au prix d'un immense effort,
Grandiose,
J'ai ainsi libéré, et non enfermé,
la nature de la Vie dans la Pierre Précieuse,
et, singulièrement le Rubis,
car il m'a toujours paru
comme un Invisible Mouvement
de Balance entre Forces Contraires
et Egalement Furieuses,
et comme une Danse de Voluptés
Diverses et Excessives,
où tout devient après-midi d'arrière automne,
Pierre à Musique, Cavité Sonore,
Corde Vocale tendue,
Bouche, Bouche Géante de Don Juan,
Bouche Nubile,
Bouche de Belle Ecume de dieu majeur,
Grotte de Brigand Jaloux de toutes les terres,
Aire Silencieuse et Damnée
de Cavalier Incendiaire,
Orage de Venises,
Ripailles de sagesse!
C'est pourquoi à toute tentative
de Géométrisation Punitive
d'Individualités Eparpillées et Attentées,
J'oppose ma Géométrie sans espoir,
Cyclopéenne et Lascive en même temps,
ne traitant pas de la Stabilité,
mais des Sauts de la Vie,
et la Splendeur Plénière de mon Sang Lucide,
avouant et proclamant
aux Quatre Points du Monde,
plus précisément,
plus incisivement,
plus durement que jamais,
les Quatre Valeurs-Vérités des Sens:
- La Valeur de l'Or Pur Explosé,
du Dernier Baiser d'Amour,
des Parfums d'Eté Poignardeurs,
des Odeurs Lentes et Fauves d'Automne,
de la Molle Chevelure Rouge,
doucement fondant
en l'Acte de Lune Sacré,
et du Premier Baptême de Bleu!
-La Majesté des Arbres,
dont la Simplicité, à juste titre louée,
ne découle point d'une idéale Pauvreté,
mais de la Constance dans le Défi
et de la Puissance de Solennité Phallique,
Unique Mesure de l'Authenticité
et Mort de toute Argutie
assoiffée du Seul Pouvoir,
-La portée du Désir en tant que Fonction
de notre Certitude,
de notre Paresse et de notre Domination,
incarnées dans la Beauté de nos jardins
et le Passage des Saisons,
-Mêlée à la crotte des Chevaux,
la Poussière des Mers Intérieures,
produite par les Grands Chemins Enchevêtrés
construits par-dessus elles,
Poignée de Sel qui fait déborder
le Verre des Vivants!

Trancher autant de Noeuds Gordiens
qu'il y a des Périls,
marteler, sous le Soleil de Septembre,
dans le Vent Rude,
Variable, Incertain, Adverse,
le Sol Implacable,
marteler jusqu'au bout
le Sol Implacable et Magique
à Grands Coups Sûrs de Peine et de Passion,
tel me semble
le But de l'Homme d'Art et du Mal Aimé!

Car l'Art n'est pas Une Supplique Impure
adressée aux Maîtres du Présent
et de l'Avenir Immédiat,
mais le propre Visage du Temps-Roi!

L'Art n'est pas une Dialectique,
l'Art est Paternité!


L'Art n'est pas une Abstraction,
Inanité que tout cela
et Pédantesque Ivresse,
l'Art est un Soleil dont on ne sait rien,
un Soleil destiné au Sacrifice!


LE SACRIFICE DU SOLEIL

ACHEVE D’IMPRIMER
EN JUIN 1979
SUR LES PRESSES DU CASTELLUM
8, RUE DE BERNE A NIMES.
EDITIONS SAINT-GERMAIN-DES-PRES
110, RUE DU CHERCHE-MIDI-75006-PARIS.