La Grande Dévêtue
Comme une peinture du Rosso
où Fontainebleau puise
son Immortalité,
tu es fort dévêtue
car tu es un astre de feu
autour duquel,humble planète,
je gravite à l'Eternité,
ne sachant où mettre
ma tête,
dans tes aisselles
de Grand Canal
ou dans ton ventre,
ce cocon de magnanerie
ou dans ton bas-ventre,
ce Mont vers lequel
se dirigent tous les bateaux
de l'Eldorado,
cette Mecque
concentrant les rêves
de tous les pèlerins
du Corps Féminin,
cette Rome d'Or
aspirant l'esprit
de tous les fidèles
comme un creuset,
ce Paris Bien-Aimé,
Âme de toutes les cocottes,
havre de toutes les midinettes,
Bannière
de toutes les grisettes,
Cancan de toutes
les Grandes Amantes,
Opéra
de toutes les filles perdues,
et Divan où la Mûlatresse
essayait ces poses
qui rendirent possible
et nécessaire
la victoire de Baudelaire,
cet Ange damné
de toutes les Parisiennes,
ce Paris romanesque, enfin,
Prunelle de Séraphita,
Coupe
contenant les regards
de toutes les Italiennes
et de toutes les Espagnoles!
N'en déplaise à Arthur,
tu n'es point un noir laideron
mais tu as la grâce
de toutes les Maures
et si je désire te fouetter,
ce n'est pas pour t'endolorir
mais pour faire jaillir
de toi
les Fusées
qui me porteront
à la Gloire
ainsi que des Théophores,
ces porteurs de la divinité
en nous!
Buveur
s'enivrant d'eau de source,
je me soûle de ta nudité
où brille le rubis
de ton sexe,
ce connil grassouillet,
cette lapine lubrique
qui rend palpable
la Volupté d'un Epicure
et le triomphe d'un Lucrèce!
Et les nues du crépuscule
de tomber sur tes épaules
de cygne
comme sur le Soleil!
Et le Rond-Point de la Lune
de se former
sur l'avenue des Deux Siciles
de tes hanches
mises à nu
au milieu des nénuphars
de la Nuit!
Et ta parole
de quitter
tes lèvres de Madamine
comme l'Aurore
Nue!
NUIT DE LICORNES
RECUEIL INEDIT