Blason Du Corps


Pour parfaire ton corps,
cette romance perpétuelle,
ce cantique salomonien
vaste comme les Cinq Océans,
ce poème profond
où le mouvement bien-aimé
à la majesté illicite
s'unit,
le Divin Psalmiste
travailla jour et nuit!

Le jour il souffrait,
la nuit il rêvait!
Il avait peur de l'Inconnu,
de l'Inouî, de l'Irressenti
vers lesquels sa nef ivre
avec assurance le dirigeait,
inconsciente des périls,
espérant en la Croix du Sud!

Il craignait surtout
que toi, son Idole
façonnée par son Âme,
n'apparaisse pas
dans les miroirs
de l'Eternité
que les hommes
volontiers consultent
afin de te percevoir
par la louange,
l'encomion, le blason!

Il ne retrouvait
la confiance dans sa Destinée
qu'à midi,
lorsque le Soleil
brûlait derrière les nues!
Alors il te peignait
sur les nuages,
te chantait sur les métaux,
l'or, le bronze, l'argent,
ou sur l'albâtre, l'ivoire
et l'ébène!

Parvenu à la clef de voûte
de ses célestes travaux,
il paracheva son Ouvrage
au coucher de la Lune,
illuminé par l'Astre
du Nouvel Être
qu'il n'avait cessé
de creuser comme une Idée
dans la Substance tienne!

Et cet Être,
c'est toi
avec tes yeux davidiques,
ta bouche de Sibylle cumiote,
ton cou andin,
ta nuque tendre
comme le bambou,
tes épaules
de moineau parisien,
ton petit sein
d'héroïne espagnole,
ton ventre
qui arrête les Rois,
ton nombril qui chante
comme Salomé,
ton connin multipétale,
ton cul de Déesse agraire,
tes cuisses glissantes
comme des anguilles
fuyant entre les rocs,
tes jambes
de porcelaine de Saint-Cloud,
tes chevilles
de rumeur marine,
tes pieds menus
où s'épanouissent,
ainsi que des fleurs,
tes orteils
vivement colorés
de carmin
et tes cheveux
qui te recouvrent
jusqu'aux talons
et dans lesquels
tu caches la Joie de Vivre
et de Périr d'Amour
comme dans un tabernacle
de roses et de myrtes!


NUIT DE LICORNES

RECUEIL INEDIT