À Une Lacédémonienne


Ta santé
haute comme l'herbe au printemps
cristallise l'autorité naturelle
qui émane de ta croupe
large et maternelle
comme une rose blanche
mûre pour la volupté,
et comme la mer
dont les vagues se brisent
avec la majesté d'un violoncelle
de Bach
sur les plages de Grèce,
bleues et blanches
comme les couleurs de ce pays
aux reins de bronze,
à la musique intemporelle,
féminine comme les nues claires
nées de l'esprit des philosophes
et qu'Aristophane stigmatisait
en véritable auteur de comédies
mais qui reviennent constamment
défendre la Cité
de la barbarie qui toujours
déferle aux portes de nos villes
sous des bannières diverses
mais où on peut lire
le même mépris
pour l'Amour véritable
et pour la sensualité
en tant que soubassement
de l'Amitié mystique des Coeurs!

Ô Belle comme Hélène de Sparte,
tu as toujours attiré
mon corps de Troyen,
ancêtre de Rome,
cette république sur laquelle
Vénus devait un jour
reporter la faveur
que primitivement elle portait
à Troie, ma ville natale
d'où vinrent les Énées,
fondateurs du Latium!

Depuis toujours
j'ai voulu pénétrer en toi
ce qui me tenait éloigné
de l'Hellade,
ce silence où j'entendrais
battre mon coeur
contre le tien
et les ailes des rossignols
chanter aux portes de l'aube,
cette porosité des murs
blanchis à la chaux,
cet air aromatisé par les fleurs,
cette luminosité intolérable
qui accable les âmes fragiles
et les absorbe
dans la joie de la Grâce,
et cette splendeur
sur ta peau de jeune femme
qui fait fuir
les hommes enclins à la solitude
qui croient déceler
dans ton innocence intégrale
une ruse surnaturelle!

Mais viens,
je suis las
et je te promets
de ne plus fuir ton sourire,
car il est la seule
Immortalité!

Ô mon rasteau,
mon vin doux,
ma femme bien-aimée,
tu es la seule Divinité
à avoir vaincu la mort,
car tu es triomphale
et allègre
et suave à l'Éternité!


VISAGES DE LUNE

RECUEIL INEDIT