Le Blason Béni
Aussitôt que je t'aperçois,
ô belle comme un bouquet de jacinthes,
mon regard de braise et d'oeillet
se porte sur la rose nouveau-née de ta croupe
bénie d'entre les croupes de jeunes femmes!
Car, c'est elle qui entoure,
telle Xanthos
gonflé par les neiges de l'Ida,
le pays céleste
de ton ventre de lumineux azur!
C'est elle qui, telle Gargare,
est aimée de Déméter
qui lui apporte sa tendre caresse de raisin
et toute l'opulence de ses moissons!
C'est elle la Grèce,
riche en ports et en havres!
C'est elle le Méandre
dont le cours sinueux
fend une terre heureuse,
protégée par la Déesse de la Fortune!
C'est elle le Chrysorhoas
qui coule près d'Hermioné,
en Argolide,
et qui charrie de l'or
dans les tourbillons de ses eaux!
Rien que pour la conquérir,
je traverserais à la nage
le Bosphore,
sur les verts rivages de qui
je me fondrais
comme un palais ottoman!
Oui, pour elle
je me précipiterais,
tel un nouvel Empédocle d'Agrigente,
dans le cratère brûlant de l'Etna!
Oui, rien que pour la sentir
toute veloutée
sous ma main fulgurante,
j'offrirais mon foie en pâture
aux aigles de Zeus!
Or, pour avoir tes bonnes grâces,
ô belle au buste d'amour
et à la hanche de Mai en folie,
je tournerais mes armes de chevalier
et mes feux d'incendiaire
contre ma propre patrie,
tel le criminel Polynice
qui porta la guerre
contre sa propre cité,
Thèbes l'Oedipéenne,
Thèbes l'incestueuse,
Thèbes la maudite,
la capitale de cette Béotie
riche en boeufs de labour!
Ô mon Argienne Bien-Aimée,
qu'à jamais,
de par Aphrodite et Eros,
mes voeux d'amour
se concentrent sur ta superbe personne!
Et que ma mère me conduise
au seuil de la chambre nuptiale,
qu'elle la pare de ses propres mains
et qu'elle nous précède
avec des torches allumées
en signe de consentement
à notre joie à nous deux!
RACES DE SOLEIL
RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2005