Le Poème de la Femme Luciférienne


Comme j'aime ton corps
qu'on dirait sculpté par Lucifer,
serré comme il est
dans ce magnifique pantalon
brodé de perles de Venise,
tout blanc ainsi que les nues de l'été
ou qu'un blanc bouquet de camélias
ou qu'une fontaine de marbre à Grenade
ou que les ailes d'un papillon diurne,
et si moulant
qu'en t'habillant, il te déshabille
en faisant jaillir ta croupe turque
comme une vague de mer du Sud,
comme le rivage de Caramanie
en face de Chypre,
comme l'Aphrodite Anadyomène d'Apelle,
comme la Vénus au miroir de Velasquez
et comme, enfin,
une majestueuse dame proustienne
qui penche sa tête
de sa loge tendue de velours grenat
vers la scène du Théâtre des Italiens!


Dès que je te vois,
mon esprit instantanément
s'envole vers ta hanche divine
comme une abeille vole vers la fleur,
par quelle attirance mystique mû?


En effet, que sont toutes les roses
des jardins des Khalifes,
la rose blanche, la rose jaune,
la rose incarnat, la rose écarlate
et la rose pourpre,
oui, que sont ces roses fameuses
auprès de tes fesses
semblables à deux colombes blanches
aux pieds rosés
et qui battent des ailes
dans leur nid d'amour,
bâti sur un toit de Sanaa
ou à deux oeufs de cygne,
démésurément gonflés d'or
ou à deux cacatoès
délicatement conversant entre eux
ou à deux gardénias blancs
au parfum enivrant!


Comme tes flancs ondoient
ainsi que les grèves de l'Hellade,
baisées par les flots
sous le soleil ardent de midi
ou au clair de lune d'Août
ou comme les dessous de dentelle d'une dame
sont touchés par la grâce divine
de sa peau transparente!


En vérité, ta beauté oscille
entre le nonchaloir d'une odalisque
fumant le narguilé,
à demi allongée
sur un divan d'oeillets blancs,
l'un de ses pieds replié sous l'autre,
et la beauté éclatante de Maria Callas
qui se pâme d'amour
aux bras du rêve qui la berce
et l'enlève à ce monde!


L'OISELEUR DES FEMMES-NUES

RECUEIL INEDIT. JUIN 2006