Des Idoles Stéatopyges


Immensément je vénère
comme des saintes reliques
les femmes stéatopyges
qui apparaissent sur les peintures pariétales
d'avant le commencement de l'histoire
ou qui triomphent dans la statuaire
d'avant la décadence!


Car ces idoles représentent
la force et la santé
de nos mères et de nos maîtresses,
cette puissance qui guérit
des maux infligés par le mauvais sang,
fait gonfler le coeur,souvent petit,
des femmes,
et allonge l'esprit, souvent court,
des hommes!


Oui, ces seins pesants
et ces croupes charnues
ont une force esculapéenne,
guérisseuse du mal du pays
qui n'existe pas
et sont pour cela un antidote formidable
contre l'Utopie
génératrice des mille discordances
de la laideur
et en général contre les doctrines
qui prétendent faire table rase
de tout le passé pris en bloc
et ne réussissent qu'à accabler de rides
le visage du vieux monde
qui rejette ainsi la jeunesse artificielle
dont on cherche à l'affubler
comme du fard d'un arlequin
attifé de vêtements ridicules!


Oui, rien ne vaut
comme remède à l'affliction
née d'une sensiblerie crépusculaire
un corps riche et bien nourri,
agréable à l'oeil
et bien portant!


Oui, une hanche plantureuse
et une gorge splendide de volume généreux
sont autant de réaffirmations du sacré
face à la dégénérescence universelle
et à la sottise des fêtes civiles!


Plus l'attention de l'humanité
sera accaparée par l'insigne épopée
des épiciers,
plus le poète trouvera refuge pour cela
dans les chauds appas
des jeunes femmes
et plus il se refusera
à ses obligations civiques!


Jeunes gens et jeunes filles
timides et romanesques,
tournez le dos à la cité
dominée par la vulgarité
et laissez-vous aller
à la pure grandeur
d'une passion ardente!


Ne laissez pas s'installer à demeure
jusque dans votre intimité
l'intolérable barbarie plébéienne
et retournez aux moeurs
de vos ancêtres
de l'Orient antérieur,
de la Grèce antique
et de l'Italie ancienne!


Et baignez-vous dans le fleuve éternel
du loisir latin
et de l'intelligence grecque!


LA DEESSE DES PROMONTOIRES

RECUEIL INEDIT. MARS 2005