Hymne à Artémis-Dictynne


Ô Artémis-Dictynne,
auguste Déesse des fauves,
ceinte des serpents de la sagesse,
tu portes dans tes mains,
pareilles à des torches allumées,
le chevreuil du sacrifice
qu'est l'île de Crète
lancée par toi comme un brûlot
sur deux mers,
la mer qui unit
l'Europe et l'Asie
et la mer de Libye!


Nous autres habitants de la vaste Terre
savons pertinemment
que cette île,
fameuse pour ses cent opulentes cités,
est agréable à vous autres
Déesses et Dieux
dont le premier par le rang,
le superbe Zeus,
y vit le jour
et y fut nourri
dans un antre de l'Ida
par la divine Amalthée!


Et les Crétois,
si féconds en légendes,
montrent encore
le tombeau du grand Dieu,
situé au pied d'une haute montagne!


Et c'est sur ces rivages
que ce même Zeus,
ayant amoureusement pris
la forme d'un blanc taureau,
déposa Europe,
princesse phénicienne
au destin de gloire!


Ô Lune, ô Hécate,
ô Phoebé, ô Cynthie, ô Lucine,
ô Dictynne, ô Artémis,
blanche soeur d'Apollon
et fille qui rend fière
sa mère Léto,
tu es la Déesse crétoise par excellence,
celle qui chasse les loups
à cheval sur un cerf
aux cornes d'or
qu'elle guide de ses doigts
agiles et délicats
vers la victoire
sur les animaux farouches des forêts,
accompagnée d'une meute
de chiens de race
et des Nymphes qui prennent part
à ses exploits!


Et Pasiphaé, la toute lumineuse
reine de cette île,
première née parmi les îles
de notre mer,
est bien ta fille,
l'enfant de la lune
quand celle-ci pour la première fois
inonda de ses gerbes d'argent
la Crète!


Hélas! Hantée par Perséphone,
la Déesse des enfers
que les Latins appelleront Proserpine,
elle s'éprit, au péril de son honneur,
d'un noir taureau
à qui elle offrait des fleurs
et qu'elle baisait sur la bouche,
et le Minotaure fut
le fruit monstrueux
de ces funestes amours,
une bête aux flancs de femme
et au front de taureau,
à qui, Minos, l'époux royal de Pasiphaé,
sacrifiait la jeunesse athénienne
jusqu'à ce que Thésée vint
et, aidé d'Ariane,
libéra la Grèce de ce tribut de sang!


Ô Artémis-Diane,
Déesse qu'avant moi
chantèrent en France
le beau José de Heredia
et le bouillant André Chénier,
bénis les Crétois et les Crétoises,
tes fils et tes filles
dont le noble cheminement
se confond avec l'aventure
de tout un continent,
de cette terre d'Europe,
si fertile en métissages,
et dont le paganisme grec, latin,
celtique et germanique,
fut le plus précieux legs à l'humanité
et le ferment le plus actif
de la modernité!


LES FILLES DE LA MER

RECUEIL INEDIT. AVRIL 2005