La Sainte Trinité


Ô Pasithéa,
ô Grâce qui plais
à tous ceux qui te voient,
dans la mer Egée de ta hanche
je trouve ma nourriture,
mon nectar et mon ambroisie
qui font de moi un jeune demi-dieu!


J'y pêche avec les filets
que m'ont prêtés les prêtresses de Cythère
la daurade rose ou grise,
ainsi que la royale
et tous les autres poissons
à chair savoureuse!


Et j'y cueille les fruits de mer
qui apportent à mon coeur joyeux et fort
la fièvre des plaisirs d'Aphrodite!


Moi et mon frère de lait Pan
nous trayons ensemble
les mamelles succulentes
de la constellation du Capricorne,
ultime avatar de la déesse-chèvre Amalthée,
la si tendre jouvencelle
qui allaita le Divin Enfant en Crète,
dans la grotte de Dicté!


Et les monts égéens
de me procurer le miel
offert gracieusement par Melissa,
la déesse-abeille,
autre nom de Cybèle,
la Grande Déesse des cygnes!


Tu es Clothô, la Fileuse de ma destinée,
cette Moire ou Parque
qui tresse avec du fil de lin
la guirlande de mes jours,
composée de joies et de chagrins
en nombre égal,
au gré de Son humeur changeante
comme la couleur d'un caméléon!


Et il en sera toujours ainsi,
jusqu'à ce que vienne enfin
ta soeur terrible Atropos
couper avec des ciseaux de démone
le fil de ma vie!


Tu es Auxô, la déesse de la croissance
des germes et des bourgeons,
la déité de l'acmé
des feuilles et des fleurs!


Mais tu es aussi Carpô la Dominatrice,
la jeune femme dont les fruits
sont arrivés à maturité
et qui est destinée
à bientôt se faner!


Et je sais que tu n'es pas seulement
une nymphe, c'est-à-dire une épousée,
mais que tu portes aussi le nom
d'Adrastée, cette Innommable,
tant elle est effrayante,
à qui nul ne saurait échapper!


Hélas! Tu n'es pas seulement
l'adolescente nubile de la mi-Juillet,
diurne, plaisante,
agréable et ingénue,
mais aussi la nocturne,
puisque tes voluptés ont lieu
dans la nuit,
voire la tombale
et l'androphone ou tueuse d'hommes!


C'est que tu portes
dans ton corps fragile et puissant
le Prototype de toutes
les Trinités Sacrées!


Tu es l'incarnation de la Triade originelle
de l'Hellade,
car si aujourd'hui, où je te célèbre,
tu es la fillette de Mai,
demain tu seras l'épousée de Juillet
dans toute sa clarté
et dans toute son enivrante senteur
de rose blanche
aux trente pétales
grands ouverts!


Mais quand l'automne,
cette émondeuse saison,
viendra, tu ne seras plus,
ô chute, ô malédiction,
que l'Aïeule blanchie sous le harnais,
comme une vieille cavale fourbue,
une aïeule à la fois protectrice mère
et horrible Scylla,
en même temps bienfaisante vieille
et sinistre annonciatrice de mort!


Nouvelle lune,
lune pleine
et lune décroissante,
tu es la Sainte Trinité,
Âme, Corps et Esprit!


PONTS DE LIERRE ET DE VIGNE

RECUEIL INEDIT. MAI 2005