Andromède
Ô Andromède,
fille un million de fois adorée!
Debout, sur un rocher de la mer d'Ethiopie,
toute nue,
et parée de tes seuls bijoux sonores,
à la façon des esclaves africaines,
tu sembles une Aphrodite née de l'écume,
mais revenue du Tartare,
où pendant des millénaires
elle fut ensevelie
sous les icônes d'une vertu
calomniatrice de la vie!
Pythagore, Platon
et les autres philosophes officiels,
en vrais eunuques de la pensée,
avaient pendant des siècles
promis à la pauvre humanité exsangue
les ténèbres futures du christianisme
et avaient déjà miné le terrain
sur lequel était bâtie
l'antique, la sainte religion de Cypris,
aussi vieille que le monde,
aussi belle que la Terre,
la plus belle des étoiles,
jardin de roses orgiaque
et non pas paradis artificiel,
où seuls les monothéistes
et les moralistes auraient droit
de résider!
«Si vous voulez contempler le ciel»,
disent depuis toujours
les prédicateurs de la vertu,
«vous n'avez qu'à rejeter la vie
et ses charmes maléfiques!»
Depuis lors, l'humanité patauge
dans la fange la plus noire
et ne se réclame plus
que du Néant vaste et noir,
gouffre amer où la fourvoya
une science ignorante!
Ô Vénus, tu n'es ni l'Hydre
vaincue par Hercule,
ni la Méduse pétrifiante,
tuée par Persée,
ni une Dalilah
émasculatrice de héros solaires
comme Samson!
Et si tu es Démone,
tu l'es à la façon
du démon familier de Socrate
qui n'est autre que l'ange gardien
des musulmans et des chrétiens!
Oui, c'est Toi, la gardienne
de mon intelligence,
la voix de la conscience
qui m'appelle,
la bergère de mon désir,
la pastourelle naïve de ma joie!
Oui, tu es la seule Madone
en qui je veux croire,
une Dame sachant, comme Leucothée,
la Blanche Déesse,
être aussi une courtisane
se prostituant dans le temple
qui ne doit pas être un lieu
de paix dans la mort,
mais un vagin
où bout la passion
d'aimer l'Autre
et d'étreindre
entre ses bras
l'univers entier!
Détruisez,
détruisez-moi ces idoles
qui cachent le vrai visage du Seigneur
qui n'est pas le jouvenceau blondasse
des Latins,
ni le mâle Pantocrator des Byzantins,
mais Adonis, le gracieux Bien-Aimé
de la Seigneuresse Aphrodite,
ou Dionysos, l'amant généreux
de la charmante Reine Ariane,
ou, enfin, Jésus, le Bien-Aimé
de Marie-Madeleine,
qu'Il embrassait publiquement
sur la bouche
et qu'Il aimait plus que ses élèves
et plus que Marie!
DEMEURE CELESTE
RECUEIL INEDIT. MAI 2005