Iphigénie en Tauride
Ô Iphigénie, mère d'une race forte,
jeune femme digne
des déesses de l'Âge de Bronze,
lave mon corps
dans les vagues de cristaux de tes hanches
et que la mer maternelle
me purifie des souillures
contractées pendant l'Âge de Fer
où j'ai dû vivre
comme un ermite parmi les fauves
et les oiseaux de proie
ou comme un suppliant
aux portes des cités
plus laides que des paquebots de fer
ayant fait naufrage
et gisant au fond de l'Océan occidental,
parmi les algues
collées à leurs carcasses noires
qui seraient recouvertes
de coraux étranges
et par où des squales passeraient
à grande vitesse!
Oui, ô fille de Clytemnestre et d'Agamemnon
et prêtresse de la Lune,
lave mes blessures
causées par les morsures des serpents,
en sacrifiant un tout jeune veau
à la Déesse farouche de la Tauride,
la Crimée moderne!
Oui, emmène-moi cette nuit
à la plage
et à la lumière des torches ardentes,
plonge-moi dans ton vagin
où il fait bon caresser
les pentes des plus hautes montagnes
et étreindre les eaux jaunes ou bleues
ou blanches
des grands fleuves du monde!
Puisse Artémis Brauronia
nous accueillir favorablement en Attique
afin que nous servions
comme prêtres dans le temple
de la Grande Déesse,
Créatrice de l'univers!
Et quand nous serons
sur le point de nous éteindre,
Hermès au pied léger,
en messager de l'empire du savoir,
nous apportera sur un plateau d'orichalque
les pommes d'or des Hespérides
qui, une fois mangées par nous,
nous assureront miraculeusement,
par la connaissance ou gnose
dont elles nous auront fait don,
un séjour de délices
aux Champs Elysées,
demeure des héros
après leur mort,
voire aux Îles Fortunées toutes proches
où les roses blanches ou rouges,
ou jaunes ou roses,
durent éternellement
et leur arôme est
une aurore permanente de printemps
ou une aube d'été pérenne!
Cependant que les fleurs
des peupliers blancs
pleuvent sur les autels de marbre
et sur la place du marché,
j'ouvre une grotte,
une caverne marine dans mon cerveau
où tu pourras,
ô vierge innocente de toute faute
et de toute cruauté,
guérir de l'inimitié
manifestée par ton père
qui a failli te faire périr en Aulide
et où tu adoreras
en toute souveraineté
les divinités de l'aube de l'histoire
et qui ne sont autres
que les Déesses de l'Âge de Bronze
hellènes, africaines,
palestiniennes et asiates!
DEMEURE CELESTE
RECUEIL INEDIT. MAI 2005