À Une Laconienne


Je suis candidat
à la royauté auprès de toi,
ô reine de mes jours
et princesse de ma lune
et prêtresse d'Eros!


Non, ne m'agrée pas
avant que, ainsi que le fit
Jason pour Médée,
je ne dompte deux taureaux lanceurs
de flammes
et que je ne les attelle
à une charrue de bronze,
dorée et sculptée de deux aigles rouges
et que je ne laboure, ensemence
et moissonne en une seule journée
ton champ d'amour!


Non, ne m'accepte pas
comme prince consort
avant que, comme Héraclès,
je ne remporte une victoire définitive
sur les oiseaux de Stymphale
qui t'affligent et te ravagent
de cette fièvre qui te travaille,
t'empêchant ainsi
de dispenser tes faveurs à ma personne
dans la joie érotique
la plus pure!


Oui, ces oiseaux au bec de bronze
te font souffrir inutilement,
faisant un carnage
de tes forces de femme séduisante
et de maîtresse indiscutable
et indiscutée!


Car cette outrancière ardeur amoureuse
qui t'agite
et te met hors de toi-même
rend inopérants et inefficients
les formidables philtres magiques
que tu possèdes,
ô sorcière plus extraordinaire
que toutes les sorcières réunies
de Thessalie, de Thrace
et de Colchide!


Admets donc que,
en exterminant ces monstres néfastes,
je devienne ton propre médecin
te guérissant comme un nouvel Esculape,
non seulement par le jet de mes flèches,
mais aussi par le jeu de ma lyre
et par la splendeur de ma voix d'Orphée!


Certes, je suis un héros héracléen,
mais je n'en suis pas moins
un Ionien de bonne race,
passé maître dans les arts
les plus nobles,
ceux qui célèbrent la femme
en tant que jeune fille,
en tant que nouvelle mariée,
et en tant que vieille
pleine de bon sens,
ces arts qui sont un don
de la Déesse Athéna,
patronne des aèdes et des bardes
d'Afrique, d'Europe et de Palestine!


Non, ne m'épouse pas
avant que je ne capture
la biche messagère de la sagesse,
consacrée à Artémis Elaphios,
et que je l'attelle,
ainsi qu'un renne
des contrées hyperboréennes
au char d'or triomphal
qui nous conduira tous deux,
couronnés de roses blanches,
à ton palais,
désormais notre demeure commune,
jusqu'à ce que tu changes
et de roi et d'amant!


Là, dans ta spacieuse maison,
tu danseras pour moi
comme une jouvencelle de Laconie,
en l'honneur de la Dame du lac,
dont le règne sur Sparte
dure toujours, même de nos jours,
rendant désirables
les jeunes femmes pleines de charme
de l'illustre cité de Lacédémone,
dont j'aurai tué le démon
la veille même de notre union!


JUMENTS DE LA NUIT D'AOUT

RECUEIL INEDIT. MAI 2005